Chapitre 8 :

La réduction de capital dans la SA

 

Sommaire

 

Textes de base (CSC)

Section 1 : Conditions générales de réduction du capital

§ A. Motifs des réductions de capital

1. La résorption de pertes

2. La régularisation de la situation de la société ses fonds propres sont inférieurs à la moitié du capital social

3. Le remboursement d’apports

4. L’abandon d’actions souscrites et non libérées

5. Le rachat des actions suite au non-agrément de tiers en qualité d’actionnaires

6. La constitution de la réserve légale

7. La correction d’une surévaluation des apports

§ B. Interdictions

1. Interdiction de réduire le capital en dessous du minimum légal

2. Interdiction de réduire le capital par voie de remboursement d’apport au cas où la société aurait émis des obligations convertibles

3. Soumission des réductions de capital à l’autorisation du CMF dans le cas où la société aurait émis des obligations 

4. Soumission des réductions de capital des établissements de crédit à agrément

§ C. Décision de réduction du capital

1. Organe compétent pour prendre la décision de réduction du capital

2. Quorum et majorité

3. Publicité de la décision

§ D. Les procédés de réduction de capital

1. La diminution de la valeur nominale des actions

2. La diminution du nombre d’actions

Section 2 : Modalités de réalisation de la réduction du capital

§ A. Décision de l’assemblée

1. Intervention du commissaire aux comptes

2. Contenu de la décision de l’assemblée

§ B. Le droit d’opposition des créanciers sociaux

1. Cas où l’opposition est interdite

2. Délai d’opposition

3. Modalités d’opposition

§ C. Les sanctions rattachées aux opérations de réduction de capital.

1. La nullité

2. Sanctions pénales


 

Textes de base (CSC)

Article 307. L'assemblée générale extraordinaire décide la réduction du capital selon les conditions requises pour la modification des statuts, suite à un rapport établi par le commissaire aux comptes.

La décision de ladite assemblée générale doit mentionner le montant de la réduction du capital, son objectif et les procédures devant être suivies par la société pour sa réalisation, ainsi que le délai de son exécution et, s'il y a lieu le montant qui doit être versé aux actionnaires.

Si l'objectif de la réduction est de rétablir l'équilibre entre le capital et l'actif social ayant subi une dépréciation à cause des pertes, la réduction est réalisée soit par la réduction du nombre des actions ou la baisse de leur valeur nominale, tout en respectant les avantages rattachés à certaines catégories d'actions en vertu de la loi ou des statuts.

Tout ce, sous réserve des dispositions de l'article 88 de la loi portant réorganisation du marché financier.

الفصل 307. تقرر الجلسة العامة الخارقة للعادة التخفيض في رأس المال وفق نفس الشروط المعتمدة عند تحرير العقد التأسيسي على إثر تقرير يعده مراقب الحسابات.

ويجب أن يشير قرار الجلسة العامة المذكورة، إلى مبلغ التخفيض في رأس المال والهدف من التخفيض والإجراءات التي يتحتم على الشركة إتباعها لتحقيق ذلك، كما ينص على أجل التنفيذ وعند الإقتضاء على المبلغ المالي الذي سيدفع لأصحاب الأسهم.

وإذا كان الهدف من التخفيض هو إعادة التوازن بين رأس المال وأصول الشركة التي إنخفضت نتيجة للخسائر، فإن الخفيض يتحقق سواء بإنقاص عدد الأسهم أو الحط من قيمتها الإسمية مع إحترام الإمتيازات المرتبطة ببعض لأصناف الأسهم بموجب القانون أو العقد التأسيسي.

كل ذلك مع مراعاة مقتضيات الفصل 88 من القانون المتعلق بإعادة تنظيم السوق المالية.

Article 308. La réduction du capital peut avoir pour objet la restitution d'apports, l'abandon d'actions souscrites et non libérées, la constitution de réserve légale ou le rétablissement de l'équilibre entre le capital et l'actif de la société diminué à la suite de pertes.

Il peut être procédé à la diminution du capital pour la société lorsque les pertes auront atteint la moitié des fonds propres et que son activité s'est poursuivie sans que cet actif ait été reconstitué.

الفصل 308. يمكن أن يكون موضوع التخفيض في رأس المال إرجاع المساهمات والتخلي عن أسهم وقع الإكتتاب بها دون تحريرها وتكوين مدخر قانوني أو إعادة التوازن بين أصول الشركة ورأس مالها الذي إنخفض نتيجة للخسائر.

كما يمكن اللجوء إلى التخفيض في رأس المال بالنسبة إلى الشركة إذا بلغت الخسائر نصف الأموال الذاتية وتواصل نشاطها دون أن يعاد تجميع تلك الأصول.

Article 309. La décision de réduction du capital devra être publiée au Journal Officiel de la République Tunisienne et dans deux quotidiens dont l'un est en langue arabe dans un délai de trente jours à partir de sa date.

الفصل 309. يجب إشهار قرار التخفيض في رأس المال بالرائد الرسمي للجمهورية التونسية وبجريدتين يوميتين إحداهما باللغة العربية في أجل ثلاثين يوما بداية من تاريخ ذلك القرار.

Article 310. La décision de réduction du capital social à néant, ou en dessous du chiffre minimum légal, ne pourra être prise qu'à la condition de transformer la société ou d'augmenter son capital simultanément jusqu'à une valeur égale ou supériewe'au chiffre minimum légal.

الفصل 310. لا يمكن إتخاذ قرار الحط من رأس مال الشركة إلى مستوى الصفر أو إذا ما أقل من رأس المال الأدنى القانوني، إلا بشرط تغيير شكل الشركة أو الترفيع في رأس مالها في نفس الوقت إلى أن يبلغ قيمة مساوية أو أرفع من راس المال الأدنى القانوني.

Article 311. Les créanciers dont la créance est née avant la date de la dernière annonce de la décision de réduction du capital ont le droit de s'opposer à cette réduction jusqu'à ce que leurs créances non échues au moment de la publication, soient

garanties.

Ne bénéficieront pas de ce droit les créanciers dont les créances sont déjà suffisamment garanties.

Le droit d'opposition devra être exercé dans le délai d'un mois à partir de la date de la dernière annonce de la décision.

La réduction du capital social ne pourra avoir d'effet si la société n'a pas donné au créancier une garantie ou son équivalent ou tant qu'elle n'aura pas notifié à ce créancier la prestation d'une caution suffisante en faveur de la société par un établissement de crédit dûment habilité à cet effet, pour le montant de la créance dont le créancier était titulaire et tant que l'action pour exiger sa réalisation n'est pas prescrite.

الفصل 311. يحق للدائنين الناشئة ديونهم قبل تاريخ آخر إشهار لقرار التخفيض في رأس المال أن يعارضوا في هذا الخفيض إلى أن يقع ضمان ديونهم التي لم يحل أجلها زمن الإشهار.

ولا يتمتع بهذا الحق الدائنون الذين كانت ديونهم مضمونة الخلاص بشكل كاف.

ويجب ممارسة حق الإعتراض في أجل شهر من تاريخ آخر إشهار لقرار التخفيض.

ولا يترتب عن قرار التخفيض أي أثر لم تقدم الشركة للدائن ضمانا أو ما يقوم مقامه أو لم تعلمه بتوصلها بكفالة كافية لفائدته من قبل مؤسسة مختصة في إسناد القرض ومؤهلة قانونا لذلك بخصوص مقدار الدين كان الدائن يمتلكه وطالما أن دعوى المطالبة بتحقيقه لم تنقرض.

 

Article 312. Les créanciers ne pourront s'opposer à la rédaction du capital social dans les cas suivants :

1) lorsque la réduction du capital a pour seul objectif de rétablir l'équilibre entre le capital et l'actif de la société diminué à la suite de pertes.

2) lorsque la réduction a pour but la constitution de la réserve légale.

Est nulle et sans effet toute réduction du capital social décidée en violation des articles 307 à 310 du présent code.

الفصل 312. لا يمكن للدائنين الإعتراض على التخفيض في رأس مال الشركة في الحالات التالية :

إذا كان الهدف الوحيد من التخفيض في رأس مال هو إعادة التوازن بين أصول الشركة ورأس مالها الذي إنخفض نتيجة للخسائر.

إذا كان الهدف من التخفيض تكوين مدخر قانوني.

ويعتبر باطلا ولا أثر له كل تخفيض في رأس مال الشركة المقرر خلافا للفصول من 307 إلى 310 من هذه المجلة.

Article 313. Sont punis d'une amende de cent vingt à mille deux cent Dinars le Président‑directeur général, le directeur général, les membres du directoire et du conseil d'administration qui contreviennent aux dispositions des articles 291 à 310 du présent code.

La sanction de l'amende visée à l'alinéa premier du présent article s'applique au président‑directeur général, au directeur général, aux membres du conseil d'administration, aux membres du directoire et aux contrôleurs qui, sciemment, présentent ou approuvent des mentions inexactes figurant dans les rapports visés par les articles cités à l'alinéa premier du présent article.

Et s'il est fait recours au faux pour commettre l'infraction en vue de priver les actionnaires ou certains d'entre eux d'une partie des droits qu'ils ont dans la société, le contrevenant est sanctionné, en sus de ce qui est mentionné ci‑dessus, d'une peine d'emprisonnement d'un an à cinq ans.

الفصل 313. يعاقب بخطية من مائة وعشرين إلى ألفين ومائتي دينار الرئيس المدير العام والمدير العام وهيئة الإدارة الجماعية وأعضاء مجلس الإدارة الذين يخالفون أحكام الفصول من 291 إلى 310 من هذه المجلة.

وتنسحب عقوبة الخطية المذكور بالفقرة الأولى من هذا الفصل على الرئيس المدير العام والمدير العام أعضاء مجلس الإدارة وهيئة الإدارة الجماعية والمراقبين الذين يتعمدون إخفاء أو تأييد بينات غير صحيحة في التقارير المنصوص عليها بالفصل المذكور بالفقرة الأولى من هذا الفصل.

وإذا كانت المخالفة مرتكبة عن طريق التدليس قصد حرمان المساهمين أو بعضهم من جزء من الحقوق التي يملكونها في الشركة فيعاقب المخالف زيادة على ما تقدم بالسجن من عام إلى خمسة أعوام.


 

Chapitre 8 :

La réduction de capital dans la SA

Section 1 : Conditions générales de réduction du capital

§ A. Motifs des réductions de capital

Aux termes de l’article 308 du CSC, « la réduction du capital peut avoir pour objet la restitution d'apports, l'abandon d'actions souscrites et non libérées, la constitution de réserve légale ou le rétablissement de l'équilibre entre le capital et l'actif de la société diminué à la suite de pertes.

Il peut être procédé à la diminution du capital pour la société lorsque les pertes auront atteint la moitié des fonds propres et que son activité s'est poursuivie sans que cet actif ait été reconstitué ».

Compte tenu de ces dispositions, la réduction de capital peut avoir comme motifs :

1. La résorption de pertes

Lorsque des pertes figurent parmi les fonds propres de la société, les actionnaires peuvent décider d’imputer ces pertes sur le capital social dans le but d’aligner le montant du capital à la valeur réelle de l’actif net.

Aux termes de l’article 307 du CSC « Si l'objectif de la réduction est de rétablir l'équilibre entre le capital et l'actif social ayant subi une dépréciation à cause des pertes, la réduction est réalisée soit par la réduction du nombre des actions ou la baisse de leur valeur nominale, tout en respectant les avantages rattachés à certaines catégories d'actions en vertu de la loi ou des statuts ».

Dans ce cas, la réduction du capital n’est qu’une « opération comptable[1] ».

La décision de réduction peut permettre la reprise de la distribution des dividendes. En effet, le bénéfice distribuable sur lequel seront prélevés les dividendes, est déterminé après déduction des pertes cumulées.

La réduction du capital par résorption de pertes peut précéder une augmentation de capital en numéraire (coup de l’accordéon) (v. infra). Une telle opération a le mérite de faciliter l’injection de nouveaux fonds dans la société. Craignant d’avoir à supporter les pertes cumulées, les nouveaux souscripteurs n’acceptent pas généralement de réaliser de nouveaux apports qu’à condition d’apurer ces pertes.

2. La régularisation de la situation de la société ses fonds propres sont inférieurs à la moitié du capital social

L’article 388 du CSC prescrit la tenue d’une assemblée extraordinaire en vue de statuer sur la dissolution anticipée de la société lorsque les documents comptables font apparaître que les fonds propres de la société sont inférieurs de moitié au capital social suite aux pertes qu'elle a subi. L'assemblée générale extraordinaire qui n'a pas prononcé la dissolution de la société dans l'année qui suit la constatation des pertes, est tenue de réduire le capital d'un montant égal au moins à celui des pertes ou ‑procéder à l'augmentation du capital pour un montant égal au moins à celui de ces pertes.

3. Le remboursement d’apports

Lorsque le montant du capital est disproportionné par rapport aux besoins financiers de la société, les actionnaires peuvent décider de réduire ce capital en se faisant restituer des apports déjà effectués.

Sauf pour les sociétés d'investissement à capital variable, le remboursement peut s’effectuer par le biais d’une opération de rachat de titres suivie d’une réduction de capital dans les conditions prévues par l’article 88 de la loi la loi n° 94-117 du 14/11/94 portant réorganisation du marché financier telle que modifiée par la loi n° 99-92 du 17 août 1999 qui dispose « l'assemblée générale extraordinaire qui décide une réduction du capital non motivée par des pertes peut autoriser le conseil d'administration, pendant une période déterminée à acheter un nombre d'actions en vue de leur annulation.

Dans ce cas, le capital est réduit à concurrence des actions effectivement achetées. Ces actions doivent être annulées dans un délai de trois mois à partir de la date de l'achèvement de l'opération d'achat.

Il est fait mention à cette annulation, sur le recto des titres au porteur[2], et sur les registres de transfert pour les titres nominatifs. Si les titres font l'objet de dépôt, leur annulation se fait par une mention en ce sens portée sur les comptes ouverts auprès du dépositaire et par le retrait de ces titres pour leur appliquer les procédures susvisées ».

4. L’abandon d’actions souscrites et non libérées

Cette opération semble envisageable dans deux hypothèses :

ü       Lorsque la société ne compte pas appeler la partie non encore libérée par les actionnaires. Dans ce cas, la réduction n’engendre pas remboursement aux actionnaires.

ü       Lorsque des actions revenant à des actionnaires défaillants n’ont pas pu être cédées, la société peut envisager la réduction de son capital du montant de ces actions.

5. Le rachat des actions suite au non-agrément de tiers en qualité d’actionnaires

Lorsque le pacte social comporte des clauses d’agrément et suite au non-agrément d’un tiers, la société peut racheter puis annuler les actions de l’actionnaire désireux de se retirer de la société.

Dans ce cas, le rachat doit intervenir dans le délai de trois mois à compter de la date de refus d’agrément (Article 321 CSC). En cas de négociation des actions par des intermédiaires en bourse d'une société ne faisant pas appel public à l’épargne, ce délai de 3 mois est ramené à un délai de trente jours ouvrables à la bourse des valeurs mobilières (Article 323 CSC).

6. La constitution de la réserve légale

Il s’agit là d’une opération de reclassement dans les capitaux propres de la société. L’objectif pourrait être la dotation à plein la réserve légale (jusqu’à 10% du capital) afin d’augmenter le bénéfice distribuable et permettre d’augmenter les dividendes versés aux actionnaires.

7. La correction d’une surévaluation des apports

Lorsque des apports ont été surestimés, il est possible de réduire le capital pour pallier cette anomalie.

§ B. Interdictions

1. Interdiction de réduire le capital en dessous du minimum légal

La décision de réduction du capital social à néant, ou en dessous du chiffre minimum légal[3], ne pourra être prise qu'à la condition de transformer la société ou d'augmenter son capital simultanément jusqu'à une valeur égale ou supérieure au chiffre minimum légal (Article 310 CSC).

A la limite, lorsque les pertes excèdent le montant du capital, il est même possible, sauf fraude, de le ramener temporairement à zéro, ce qui exclut les actionnaires anciens, qui jouiront cependant d’un droit préférentiel de souscription pour l’augmentation du capital[4]. A travers l’arrêt Usinor, la cour de cassation française a admis la validité de cette opération (dite coup de l’accordéon)[5].

On peut s’interroger si, à l’instar de la situation de la SARL, la réduction du capital au dessous du minimum légal, sans régularisation, peut entraîner la dissolution de la société[6].

2. Interdiction de réduire le capital par voie de remboursement d’apport au cas où la société aurait émis des obligations convertibles

A dater de l'autorisation de l'assemblée générale extraordinaire d’émettre des obligations convertibles en actions, il est interdit à l'entreprise émettrice, jusqu'à l'expiration du délai ou des délais d'option pour la conversion, (…) de réduire son capital par voie de remboursement (…) (Article 314 du CSC).

3. Soumission des réductions de capital à l’autorisation du CMF dans le cas où la société aurait émis des obligations

Aux termes de l’article 336 du CSC « Les sociétés émettrices d'obligations doivent soumettre à l’approbation du conseil du marché Financier toutes les propositions traitant (…) d’une réduction du capital non-motivée par des pertes ». Ce même article ajoute « Les sociétés émettrices d'obligations ne peuvent méconnaître le refus d'approbation du conseil du marché Financier que par le remboursement intégral des obligations dans un délai ferme ne dépassant pas un mois à compter de la notification du refus à la société concernée. La décision du refus sus-indiqué est publiée au journal officiel de la République Tunisienne ».

4. Soumission des réductions de capital des établissements de crédit à agrément

Aux termes de l’article 10 de la loi n° 2001-65 du 10 juillet 2001, relative aux établissements de crédit, toute réduction du capital d’un établissement de crédit est soumise à l’agrément de la banque centrale de Tunisie.

§ C. Décision de réduction du capital

1. Organe compétent pour prendre la décision de réduction du capital

Le capital social fait partie des mentions obligatoires devant figurer au niveau des statuts (Article 9 CSC).

Une modification de ce capital est synonyme d’une modification statutaire. Or, la modification des statuts fait partie des prérogatives de l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires (Article 291 CSC). Cette règle est aussi confirmée par l’article 307 du CSC qui dispose « l'assemblée générale extraordinaire décide la réduction du capital selon les conditions requises pour la modification des statuts ». Dans le même ordre d’idées, l’article 278 du CSC exclut de la compétence de l’assemblée générale ordinaire toutes les décisions de réduction de capital[7]. A fortiori, le conseil d’administration et encore moins son président ne peuvent décider une réduction du capital social.

Faute de textes, la délégation de pouvoirs au conseil d’administration (à l’instar des augmentations de capital) paraît discutable[8].

Une nuance s’impose ; dans le cas de rachat d’actions suivi d’une réduction de capital, l’article 88 de la LMF semble autoriser cette délégation de pouvoirs. En effet, cet article dispose « l'assemblée générale extraordinaire qui décide une réduction du capital non motivée par des pertes peut autoriser le conseil d'administration, pendant une période déterminée à acheter un nombre d'actions en vue de leur annulation ». 

2. Quorum et majorité

En application des dispositions de l’article 307 du CSC « L'assemblée générale extraordinaire décide la réduction du capital selon les conditions requises pour la modification des statuts ». Il en découle que cette décision doit obéir aux conditions légales de quorum et de majorité relatives aux assemblées générales extraordinaires telles que prévues par l’article 291 du CSC sauf dispositions contraires dans les statuts[9].

Rappelons qu’en vertu de cet article, les délibérations relatives à l’augmentation du capital ne sont considérées valables que si les actionnaires présents ou les représentants au droit de vote détiennent au moins sur première convocation, la moitié du capital et sur deuxième convocation le tiers du capital. A défaut de ce dernier quorum le délai de la tenue de l'assemblée générale peut être prorogé à une date postérieure ne dépassant pas deux mois à partir de la date de la convocation. Aussi, l’assemblée statue à la majorité des deux tiers des voix des actionnaires présents ou des représentants ayant droit au vote.

Les règles de majorité ne concernent pas uniquement les décisions de réduction de capital, mais doivent s’étendre à celles afférentes à la fixation de leur modalité, à la constatation de leur réalisation définitive et à la modification corrélative des statuts.

3. Publicité de la décision

Entraînant une modification des statuts, la réduction du capital est soumise, en application des dispositions de l’article 16 du CSC, aux formalités de dépôts et de publicité.

L’article 309 du CSC confirme cette obligation en disposant « La décision de réduction du capital devra être publiée au Journal Officiel de la République Tunisienne et dans deux quotidiens dont l'un est en langue arabe dans un délai de trente jours à partir de sa date ». 

Cette obligation est aussi confirmée encore une fois par l’article 389 du CSC disposant « Doivent dans tous les cas faire l'objet de publicité, les décisions de dissolution, de réduction ou d'augmentation du capital, prises par l'assemblée générale extraordinaire conformément aux dispositions de l'article 16 du CSC ».

Il faut aussi noter que l’article 48 de la loi n° 95-44 du 2 mai 1995 relative au registre de commerce prévoit l’obligation de déposer en double exemplaire dans le délai d'un mois à compter de leur date après, le cas échéant, publication :

1) La copie du procès-verbal de l'assemblée générale des actionnaires ayant décidé ou autorisé une réduction du capital,

2) La copie de la décision du conseil d'administration de réaliser une réduction du capital autorisée par l'assemblée générale des actionnaires.

§ D. Les procédés de réduction de capital

La réduction de capital peut être envisagée par l’un des trois procédés suivants :

1. La diminution de la valeur nominale des actions

La réduction du capital par diminution de la valeur nominale des pertes est envisagée sous la double condition :

-          Que la valeur nominale soit identique pour toutes les actions et ;

-          Que la nouvelle valeur nominale ne soit, après réduction, inférieure à cinq dinars[10].

2. La diminution du nombre d’actions

Dans l’hypothèse d’une diminution du nombre d’actions et sauf les cas de rachat d’actions suivi d’annulation, il est important de veiller au respect du principe de l’égalité entre actionnaires en diminuant le nombre de part de chaque actionnaire proportionnellement à sa participation.

L’annulation peut être faite en fonction d’une parité (ex. 4 actions anciennes sont remplacées par une seule action du même nominal). « Ce procédé a l’inconvénient d’éliminer de la société ceux-qui n’ont pas 4 actions, à moins qu’ils n’achètent des rompus. Mais cette modalité entraîne une augmentation de leurs engagements qui, en principe, ne peut être décidée par l’assemblée générale extraordinaire à la majorité. La réduction du capital par diminution du nombre des actions est néanmoins admise traditionnellement lorsqu’elle est imposée par des pertes ; elle est plus discutée en dehors de cette situation[11] ». Faute d’unanimité, l’opération est irréalisable en cas d’existence de rompus, « sauf si les fondateurs de la société ont pris la précaution d’insérer dans les statuts une clause prévoyant que la réduction du capital pourra être réalisée nonobstant l’existence de rompus, chaque actionnaire devant faire son affaire personnelle toute acquisition ou cession d’actions anciennes permettant d’obtenir l’attribution d’un nombre entier d’actions nouvelles[12] ».

Une partie de la doctrine considère que « l’attribution d’éléments d’actif à un actionnaire déterminé contre annulation de ses actions et réduction du capital social est possible à condition qu’elle ait été décidée à l’unanimité des actionnaires[13] ».

Section 2 : Modalités de réalisation de la réduction du capital

§ A. Décision de l’assemblée

1. Intervention du commissaire aux comptes

Aux termes de l’article 307 du CSC « L'assemblée générale extraordinaire décide la réduction du capital selon les conditions requises pour la modification des statuts, suite à un rapport établi par le commissaire aux comptes ».

Contrairement à la SARL[14], le législateur n’a ni prévu un délai pour la communication du projet de réduction de capital au commissaire aux comptes, ni fixé le contenu de son rapport.

2. Contenu de la décision de l’assemblée

La décision de l’assemblée générale doit mentionner le montant de la réduction du capital, son objectif et les procédures devant être suivies par la société pour sa réalisation, ainsi que le délai de son exécution et, s'il y a lieu le montant qui doit être versé aux actionnaires (Article 307 CSC).

§ B. Le droit d’opposition des créanciers sociaux

« Le capital social ne peut être restitué aux actionnaires aux dépens des créanciers[15] ». Lorsque la créance de ces derniers est née avant la date de la dernière annonce de la décision de réduction du capital, ils ont le droit de s'opposer à cette réduction jusqu'à ce que leurs créances non échues au moment de la publication, soient garanties (Article 311 CSC).

Pour les créanciers traitant avec la société après la réduction du capital, l’opération leur est opposable sauf le cas de fraude.

1. Cas où l’opposition est interdite

En application des dispositions de l’article 312 du CSC, les créanciers ne pourront s'opposer à la rédaction du capital social dans les cas suivants :

ü       lorsque la réduction du capital a pour seul objectif de rétablir l'équilibre entre le capital et l'actif de la société diminué à la suite de pertes.

ü       lorsque la réduction a pour but la constitution de la réserve légale.

Ces exceptions se conçoivent « puisque le droit de gage des créanciers n’est en rien entamé, le montant des capitaux propres restant inchangé[16] ».

Par ailleurs, l’article 311 du CSC exclut du bénéfice du droit d’opposition, les créanciers dont les créances sont déjà suffisamment garanties.

2. Délai d’opposition

Le droit d'opposition devra être exercé dans le délai d'un mois à partir de la date de la dernière annonce de la décision (Article 311 CSC).

3. Modalités d’opposition

Curieusement, la loi ne prévoit pas les modalités d’opposition ; l’article 311 du CSC s’étant limité à considérer que « La réduction du capital social ne pourra avoir d'effet si la société n'a pas donné au créancier une garantie ou son équivalent ou tant qu'elle n'aura pas notifié à ce créancier la prestation d'une caution suffisante en faveur de la société par un établissement de crédit dûment habilité à cet effet, pour le montant de la créance dont le créancier était titulaire et tant que l'action pour exiger sa réalisation n'est pas prescrite ».

Soulignons, enfin, que contrairement à l’opposition à la réduction pour les SARL[17] et en droit français pour la SA[18], la loi ne prévoit pas expressément l’obligation pour les opposants de s’adresser au juge. Mais, il semble que seul le juge est compétent pour statuer sur les oppositions.

« En cas de réduction par voie de remboursement, le droit des actionnaires à la distribution est acquis dès la décision de l’assemblée générale. La société risque donc de se trouver, après examen des oppositions, devant l’obligation de procéder à la fois à une distribution aux actionnaires au titre de la réduction du capital et au remboursement d’importantes créances éventuellement suites audites oppositions. Pour pallier ce risque, il est possible de prévoir que la décision de l’assemblée est soumise à la condition suspensive de l’absence d’oppositions ou à celle que les oppositions n’excèdent pas un montant déterminé[19] ».

§ C. Les sanctions rattachées aux opérations de réduction de capital

1. La nullité

En application du dernier alinéa de l’article 312 du CSC « Est nulle et sans effet toute réduction du capital social décidée en violation des articles 307 à 310 du CSC ». Il en découle que la nullité frappe les décisions d’augmentation du capital :

ü       Lorsqu’elles ne sont pas décidées par l’assemblée générale extraordinaire ou lorsque la décision n’est pas précédée par un rapport du commissaire aux comptes (Article 307 CSC).

ü       Lorsque la décision de réduction n’indique pas le montant de la réduction du capital, son objectif et les procédures devant être suivies par la société pour sa réalisation, ainsi que le délai de son exécution et, s'il y a lieu le montant qui doit être versé aux actionnaires (Article 307 CSC).

ü       Lorsque la décision de réduction n’est pas publiée (Article 310 CSC).

2. Sanctions pénales

L’article 313 du CSC punis d'une amende de cent vingt à mille deux cent Dinars le Président-directeur général, le directeur général, les membres du directoire et du conseil d'administration qui contreviennent aux dispositions des articles 307 à 310 du CSC.

La sanction de l'amende s'applique aux contrôleurs qui, sciemment, présentent ou approuvent des mentions inexactes figurant dans leurs rapports.

Et s'il est fait recours au faux pour commettre l'infraction en vue de priver les actionnaires ou certains d'entre eux d'une partie des droits qu'ils ont dans la société, le contrevenant est sanctionné, en sus de ce qui est mentionné ci-dessus, d'une peine d'emprisonnement d'un an à cinq ans.

Lorsqu’une réduction du capital est réalisée suite au rachat d’actions dans les conditions de l’article 88 de la LMF, les représentants légaux des sociétés sont tenus en cas d'inobservation des dispositions de cet article, de payer une amende dont le montant est égal à la valeur des actions achetées (Article 83 LMF).

 

 


 

[1] J. MESTRE, M.E. PANCRAZY, Droit commercial, Editions L.G.D.J, 25ème édition, 2001, § 489

[2] La loi n° 2000-35 du 21 mars 2000 relative à la dématérialisation des titres a prévu la conversion à la forme nominative de toutes les actions au porteur.

[3] En règle générale, le capital social ne peut être inférieur à 50.000 dinars. Si la société ne fait pas appel public à l'épargne, lorsque la société fait appel public à l'épargne son capital ne peut être inférieur à 150.000 dinars (Article 161 CSC). v. aussi. Le cas des activités réglementées pour lesquelles la loi exige un capital minimum.

[4] P. MERLE, Droit commercial, Sociétés commerciales, Editions DALLOZ, p. 626

[5] Cass. com. 17 mai 1994 : Rev. sociétés 1994, p. 485, note S. Dana – Dèmaret ; Dans le cas d’espèces, malgré les pertes vertigineuses de la société Usinor, fleuron de la métallurgie française, les actionnaires, dont l'Etat français au premier chef, avaient écarté la dissolution anticipée en optant pour la reconstitution des fonds propres. L'assemblée générale extraordinaire avait décidé la réduction du capital à zéro, suivie d'une première augmentation du capital en numéraire; une nouvelle réduction du capital, suivie d'une deuxième augmentation du capital en numéraire, avait été décidée pour apurer les pertes qui subsistaient; grâce à cette double injection d'argent frais, le bilan avait été nettoyé de ses pertes et les fonds propres étaient redevenus positifs. En revanche, la réduction du capital à zéro avait entraîné l'exclusion des associés qui n'avaient pas participé à l'augmentation du capital en numéraire comme ils auraient pu le faire en vertu de leur droit préférentiel de souscription. Quelques minoritaires ont plaidé devant les tribunaux l'irrégularité d'une telle procédure qui aboutissait à leur exclusion de la société. La Cour de cassation les a déboutés en faisant valoir que s'ils avaient perdu leur participation (c'est leur façon de contribuer aux pertes de la société), aucune obligation nouvelle n'avait été mise à leur charge ; ils étaient libres de souscrire ou non à l'augmentation du capital. Les minoritaires n'auraient sans doute pas eu plus de succès s'ils avaient invoqué un prétendu abus de majorité. Voilà qui légitime les réductions de capital à zéro sous la condition suspensive d'une augmentation de capital destinée à le ramener au montant légal (source : M. COZIAN, A. VIANDIER, Droit des sociétés, Editions LITEC, 9ème édition, 1996, § 1009 bis).

[6] Traitant de la SARL, l’article 92 du CSC dispose « La réduction du capital social ne peut amener celui‑ci à un montant inférieur au minimum légal prévu par le présent article sauf si la société à responsabilité limitée s'est transformée en une autre forme de société. En cas d'inobservation des dispositions sus ‑ indiquées, tout intéressé peut demander au tribunal compétent la dissolution de la société. Cette dissolution ne peut être prononcée si, au jour où le tribunal statue sur le fond en premier ressort, la régularisation a eu lieu ».

[7] Aux termes de l’article 278 du CSC « L'assemblée générale ordinaire prend toutes le: décisions autres que celles relatives aux questions visées aux articles 291 à 295, aux articles 288 et 300 et aux articles 307 à 310 du présent code » ; les articles 307 à 310 du CSC traitent de la réduction du capital.

[8] En droit français, l’article 215 de la loi de 1966 dispose « La réduction du capital est autorisée ou décidée par l’assemblée générale extraordinaire, qui peut déléguer au conseil d’administration ou au directoire selon le cas, tous les pouvoirs pour la réaliser ».

[9] Comme nous l’avons précédemment exposé, les statuts peuvent renforcer le quorum (sans faire obstacle à la libre révocabilité des administrateurs). En revanche, les statuts ne paraissent pas pouvoir alléger les règles légales fixant le quorum. Par ailleurs, aucune disposition ne frappe de nullité les clauses statutaires qui dérogeraient aux règles de majorité légale, ce qui signifierait que ces clauses semblent valables (à condition qu’elles ne fassent pas obstacle à libre révocabilité des administrateurs).

[10] L’article 161 du CSC dispose « Le capital doit être divisé en actions dont le montant nominal ne peut être inférieur à 5 dinars ».

[11] G. RIPERT, Traité élémentaire de droit commercial, Tome 1, 12e édition par R. ROBLOT, Editions LGDJ, 1986, § 1579

[12] Ph. Andrieux, H. DIREZ, L. GILPERT, Traité pratique des sociétés anonymes, Editions des publications fiduciaires, 1977, § 1135

[13] Mémento pratique, sociétés commerciales, Editions Francis Lefebvre, 1998, § 2185

[14] Traitant de la SARL, l’article 136 du CSC dispose « Au cas où un ou plusieurs commissaires aux comptes ont été nommés, le projet de réduction du capital leur est communiqué trois mois au moins avant la date de la tenue de l'assemblée générale extraordinaire qui doit en délibérer. Celui-ci ou ceux-ci doivent établir un rapport adressé à l'assemblée générale indiquant leur appréciation sur les causes et les conditions de la réduction proposée ».

[15] G. RIPERT, op. cit., § 1576

[16] M. COZIAN, A. VIANDIER, Droit des sociétés, Editions LITEC, 9ème édition, 1996, § 1007

[17] Traitant de la SARL, l’article 137 du CSC dispose « l'opposant devra dans le délai ci-dessus indiqué saisir le juge des référés qui statuera sur le bien fondé de l'opposition et, au cas où il la juge fondée, ordonnera soit la déchéance du terme de la créance, soit la constitution d'une sûreté suffisante pour en garantir le paiement. Tant que le délai d'opposition n'est pas expiré, la réduction du capital ne peut être réalisée ».

[18] L’article 216 de la loi française du 24 juillet 1966 considère que les opérations de réduction du capital ne peuvent commencer pendant le délai d’opposition ni le cas échéant avant qu’il ait été statué en première instance sur cette opposition. Si le juge de première instance accueille l’opposition, la procédure de réduction du capital est immédiatement interrompue jusqu’à la constitution de garanties suffisantes ou jusqu’au remboursement des créances ; s’il la rejette, les opérations de réduction peuvent commencer.

[19] Mémento pratique, sociétés commerciales, op. cit., § 2189