Premier Chapitre :

La constitution de la Société A Responsabilité Limitée

 

Sommaire

Section 1 : Introduction

§ A. L’origine de la SARL

§ B. Définition de la SARL

§ C. Caractéristiques de la SARL

1. La SARL est une société commerciale

2. Les associés de la SARL ne sont pas des commerçants

3. La responsabilité des associés est limitée au montant de leurs apports

§ D. La nature hybride de la SARL

Section 2 : Les conditions de fonds

§ A. Les conditions relatives aux associés

1. Le nombre d’associés

2. La capacité des associés

3. Le consentement des associés

4. L’affectio societatis

§ B. Conditions relatives au capital

1. Capital minimum

2. Division du capital en parts sociales

3. Interdiction de réduire le capital au-dessous du minimum légal

§ C. Conditions relatives aux apports

1. L’obligation d’effectuer des apports

2. Les apports en numéraire

3. Les apports en nature

§ D. Les conditions relatives à la société

1. L’objet social

2. La durée de la société

3. La dénomination sociale

4. Le siège social

5. La nationalité

Section 3 : Les conditions de forme

§ A. L’établissement des statuts

1. Forme des statuts

2. Les mentions obligatoires dans les statuts

3. Pièces annexées aux statuts

4. Enregistrement des statuts

§ B. La publicité légale

1. La publicité des statuts

2. L’immatriculation au registre de commerce

3. Sanctions pour inobservation des formalités de publicité

 

Premier Chapitre :

La constitution de la Société A Responsabilité Limitée

 

Section 1 : Introduction

§ A. L’origine de la SARL

La SARL est une conception juridique du droit allemand (Gmbh) datant de 1892. Elle a été introduite en droit français par la loi du 7 mars 1925.

En Tunisie, la SARL a été prévue à l’origine par le Code de Commerce promulgué par la loi n° 59-129 du 5 octobre 1959 et entré en vigueur le 1er janvier 1960. Les articles 149 à 176 du Code de Commerce ont réglementé la constitution de la SARL, son fonctionnement, les cessions de parts, la répartition des bénéfices et la dissolution de ce type de sociétés.

L’article 2 de la loi n° 2000‑93 du 3 novembre 2000, portant promulgation du Code des Sociétés Commerciales a abrogé les articles 14 à 188 du code de commerce. Désormais, la SARL est notamment régie en droit tunisien par le Livre trois du code des sociétés commerciales (CSC). Ce livre troisième comprend trois titres :

-      Titre premier contenant des dispositions générales (articles 90 à 92 du CSC) ;

-      Titre deuxième traitant de la constitution de la société à responsabilité limitée (articles 93 à 108 du CSC), du régime des parts sociales (articles 109 à 111 du CSC), de la gestion de la société à responsabilité limitée (articles 112 à 140 du CSC) et de la dissolution et transformation de la société (articles 141 à 147 du CSC) ;

-      Titre troisième traitant de la société unipersonnelle à responsabilité limitée (articles 148 à 159 du CSC).

§ B. Définition de la SARL

La société à responsabilité limitée peut être définie comme étant une « société commerciale groupant des associés qui n’ont pas la qualité de commerçant et qui ne sont responsables que de leur apport[1] ».

§ C. Caractéristiques de la SARL

On retrouve dans la définition de la SARL, les principaux éléments caractéristiques de ce type de sociétés :

1. La SARL est une société commerciale

L’article 7 du CSC dispose : « Sont commerciales par la forme et quel que soit l'objet de leur activité, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés anonymes ».

Il en découle que la SARL est toujours commerciale quel que soit son objet.

2. Les associés de la SARL ne sont pas des commerçants

A l’inverse des associés de la SNC[2], des commandités de la société en commandite simple[3] ou en commandite par actions[4], les associés de la SARL n’ont pas la qualité de commerçants.

3. La responsabilité des associés est limitée au montant de leurs apports

La société à responsabilité limitée est constituée entre deux ou plusieurs personnes qui ne supportent les pertes que jusqu'à concurrence de leurs apports (Article 90 CSC).

Cependant, cette règle connaît principalement deux exceptions :

a) La première exception a une origine légale ; elle concerne l’action en comblement du passif et l’extension  de la faillite aux associés
- L’extension de la faillite aux associés

En cas de faillite d’une société, la faillite peut être déclarée commune à toute personne qui sous le couvert de cette société, masquant ses agissements, a fait dans son intérêt personnel, des actes de commerces et disposé de fait des biens sociaux comme de ses biens propres (Article 596 Code de Commerce).

- L’action en comblement du passif

L’article 121 du CSC dispose : « En cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de faillite, toute personne ayant exercé de fait les pouvoirs de gestion dans la société peut être rendue responsable de tout ou partie du passif social et peut être soumise aux interdictions et aux déchéances prévues par la loi dans les mêmes conditions que le gérant ».

- Cas des groupes de sociétés

Dans le cadre d’un groupe de sociétés, les procédures de faillite et de redressement ouvertes contre l'une des sociétés appartenant au groupe de sociétés peuvent être étendues aux autres sociétés y appartenant en cas de confusion de leurs patrimoines, d'escroquerie ou d'abus des biens de la société faisant l'objet des procédures de faillite ou de redressement, ou s'il est établi que la société débitrice était fictive, et que les sociétés appartenant au groupe ont donné l'apparence d'y être associées. La faillite peut être étendue aux dirigeants de droit ou de fait des autres sociétés appartenant au groupe de sociétés s'il est établi que la faillite est due à leur fait (Article 478 CSC).

b) La deuxième exception est une exception de fait  consacrée par la pratique

Les bailleurs de fonds (établissements de crédit) subordonnent généralement le consentement des crédits bancaires à l’engagement de garantie des gérants ou des principaux associés (ex. caution personnelle).

§ D. La nature hybride de la SARL

Représentant en pratique la forme dominante, la SARL a connu un succès incontestable en Tunisie.

La raison de succès peut être attribuée à la nature hybride de la SARL : c’est une société à mi-chemin entre sociétés de personnes et sociétés de capitaux :

-     « pour son âme, c’est une société de personnes ; la personnalité de l’associé compte plus que son portefeuille[5] » ; cette confirmation est appuyée par le nombre relativement faible des associés, la prédominance de l’intuitus personae, la non-négociabilité des parts sociales. « La SARL est plus ouverte que la SNC, mais plus fermée que la société anonyme. Les associés sont identifiés, se connaissent et se font confiance[6] » ; mais contrairement aux sociétés de personnes, les associés de la SARL n’encourent pas un grand risque si ce n’est celui de perdre leurs apports. Aussi, les causes de dissolution rattachées à la personne des associés dans les sociétés de personnes sont inapplicables dans la SARL[7] ;

-     Par ailleurs, la SARL emprunte aux sociétés de capitaux, la limitation de la responsabilité des associés à leurs apports. Aussi, la SARL rejoint les sociétés de capitaux, au niveau de l’organisation juridique de la société, dans la prédominance de l’aspect institutionnel sur l’aspect contractuel.

Section 2 : Les conditions de fonds

§ A. Les conditions relatives aux associés

1. Le nombre d’associés

a) Nombre minimal

La société à responsabilité limitée est constituée entre deux ou plusieurs personnes qui ne contribuent aux pertes que jusqu'à concurrence de leurs apports. Lorsque la société à responsabilité limitée peut ne comporter qu'un seul associé elle est dénommée « société unipersonnelle à responsabilité limitée » (Article 90 CSC).

Les associés de la SARL peuvent être des personnes physiques ou des personnes morales.

b) Nombre maximal

Le nombre des associés d'une S.A.R.L ne peut être supérieur à cinquante[8] (Article 93 CSC).

Cette limitation légale du nombre d’associés est fondée sur la nécessité pour les associés de se connaître (intuitu personae). Aussi, cette limitation découle de l’idée que la SARL doit servir de cadre pour les petites et moyennes entreprises exclusivement[9].

Si la société vient à comprendre plus de cinquante associés, elle devra dans un délai d'un an être transformée en société par actions à moins que le nombre des associés ne soit ramené à cinquante ou moins dans le délai sus ‑ indiqué. A défaut, tout intéressé peut demander la dissolution judiciaire de la société.

Toutefois, le tribunal saisi de l'action en dissolution pourra accorder un délai supplémentaire afin de permettre aux associés de se conformer aux dispositions susvisées (Article 93 CSC).

2. La capacité des associés

Contrairement aux associés dans une société en nom collectif ou commandités dans une société en commandite simple ou par actions[10], les incapables peuvent devenir associés dans la SARL par l’intermédiaire de leur représentant.

3. Le consentement des associés

Dans la SARL, le contrat est conclu intuitu personae. Le consentement des associés doit donc être érigée en principe majeur.

De ce fait, on admet que l’erreur sur la personne constitue un vice de consentement.

4. L’affectio societatis

Les associés de la SARL doivent être animés par l’affectio societatis.

§ B. Conditions relatives au capital

1. Capital minimum

Le capital de la société ne peut être inférieur à dix mille dinars. Toutefois, le capital des sociétés à responsabilité limitée qui gèrent des entreprises de presse ne peut être inférieur à cinq mille dinars(Article 93 CSC).

2. Division du capital en parts sociales

Le capital social est divisé en parts sociales à valeur nominale égale dont le montant ne peut être inférieur à cinq dinars (Article 93 CSC). Cette valeur nominale est librement fixée au niveau des statuts.

Toutes les parts sociales composant le capital social doivent avoir la même valeur nominale.

Les parts sociales émises par la SARL sont des titres non négociables[11].

3. Interdiction de réduire le capital au-dessous du minimum légal

Le capital social ne peut être réduit au-dessous du minimum légal.

La réduction du capital social ne peut amener celui-ci à un montant inférieur au minimum légal sauf si la société à responsabilité limitée s'est transformée en une autre forme de société.

En cas d'inobservation des dispositions sus ‑ indiquées, tout intéressé peut demander au tribunal compétent la dissolution de la société. Cette dissolution ne peut être prononcée si, au jour où le tribunal statue sur le fond en premier ressort, la régularisation a eu lieu. Nonobstant la régularisation, les frais de poursuite restent à la charge des défendeurs (Article 92 CSC).

§ C. Conditions relatives aux apports

1. L’obligation d’effectuer des apports

Les apports constituent l’ensemble des biens affectés au capital social de la société.
Chaque associé a l’obligation de faire l’apport d’une somme d’argent, d’un bien afin de constituer le patrimoine de la société. Ainsi sans apports il n’y a pas de société car les apports servent à atteindre l’objet social.

L’obligation d’effectuer un apport apparaît dans l’article 6 du Code des Sociétés Commerciales  qui dispose que «Chaque associé est débiteur de son apport à l'égard de la société ». Par ailleurs plusieurs associés peuvent faire ensemble l’apport d’un bien unique.

Dans la SARL, les apports doivent être intégralement libérés lors de la constitution de la société.

La contrepartie de l’apport se traduit par l’attribution de droits sociaux (parts sociales)[12].

En principe les apports déterminent la vocation de chaque associé à participer aux bénéfices  ou à contribuer aux pertes. L’article 5 du Code des Sociétés Commerciales  dispose « Les apports peuvent être soit en numéraire, soit en nature, soit en industrie. L'ensemble de ces apports, à l'exception de l'apport en industrie, constitue le capital de la société. Ce dernier est le gage exclusif des créanciers sociaux ».

Les apports dans une SARL peuvent être faits en numéraire ou en nature. Les apports en industrie y sont interdits (Article 97 CSC).

2. Les apports en numéraire

a) Définition

Il consiste au versement d’une somme d’argent à la société. C’est l’apport le plus fréquent en pratique qui ne doit pas être confondu avec l’avance en compte courant qui constitue un prêt consenti par l’associé à la société.

b) L’obligation de déposer les fonds provenant des apports en numéraire auprès d’un établissement financier
- L’obligation de dépôt des fonds

Les fonds provenant de la libération des parts sociales sont déposés auprès d'un établissement financier (Article 98 CSC).

Selon la jurisprudence française, les fonds déposés sont indisponibles. Il s’ensuit qu’ils ne peuvent pas faire l’objet d’une compensation avec une dette de l’apporteur à l’égard du dépositaire des fonds[13].

- Le retrait des fonds

Le gérant ne pourra retirer ces fonds ou en disposer qu'après l'accomplissement de toutes les formalités de constitution de la société et son immatriculation au registre de commerce.

Si la société n'est pas constituée dans le délai de six mois à compter de la date du dépôt des fonds, tout apporteur pourra saisir le juge des référés afin d'obtenir l'autorisation de retirer le montant de ses apports. Si les apporteurs décident ultérieurement de constituer la société, il sera procédé à un nouveau dépôt des fonds dans les mêmes conditions (Article 98 CSC).

- Sanctions

L’article 104 du Code des Sociétés Commerciales  frappe de nullité toute société à responsabilité limitée constituée en violation des articles 93 à 100 du Code des Sociétés Commerciales.

Il en découle que la société risque l’annulation si les fonds provenant de la libération des parts sociales ne sont pas déposés auprès d'un établissement financier.

c) L’obligation de libérer l’intégralité des apports en numéraire
- Interdiction des libérations fractionnées des apports

Dans la SARL, il est obligatoire que l’intégralité des apports en numéraire soit libérée dés la souscription. Autrement dit, le capital social doit être intégralement souscrit et libéré dès la constitution de la société (ou en cas d’augmentation du capital en numéraire, à la souscription à cette augmentation du capital).

- Mention de la libération des fonds au niveau des statuts

La société à responsabilité limitée n'est constituée définitivement que lorsque les statuts mentionnent que toutes les parts représentant des apports en numéraire ou en nature, ont été réparties entre les associés et que leur valeur a été totalement libérée. Les fondateurs doivent mentionner expressément dans les statuts que ces conditions ont été respectées[14] (Article 97 CSC).

3. Les apports en nature

a) Définition

C’est l’apport de biens ou valeurs autres que de l’argent. Il peut s’agir de tous biens meubles et immeubles, corporels et incorporels.

L’apport en nature peut être fait en toute propriété ou seulement en jouissance ou en usufruit.

L’apport en pleine propriété permet à la société de disposer de l’intégralité des droits que possédait l’apporteur sur le bien.

L’apport en jouissance permet à l’associé de garder la propriété du bien apporté mais il doit le mettre à la disposition de la société et s’engager à la faire jouir du bien pendant une période déterminée.

L'apport en usufruit permet à l'associé de garder la propriété du bien apporté mais les bénéfices ou l’utilisation générés par ce bien profitent à la société.

b) L’évaluation des apports en nature
- Règle générale

L'évaluation de l'apport en nature doit être faite par un commissaire aux apports qui doit être désigné à l'unanimité des associés, ou à défaut par ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal de première instance dans le ressort duquel est situé le siège de la société. Cette ordonnance est rendue à la demande du futur associé le plus diligent (Article 100 CSC).

Les associés ne peuvent donc procéder à l’évaluation des apports qu’au vu d’un rapport établi par un commissaire aux apports. Le rapport de ce dernier doit être annexé aux statuts.

Le législateur n’a pas prévu d’incompatibilités pour le commissaire aux apports de la SARL[15].

-  Possibilité de ne pas recourir à un commissaire aux apports pour les apports en nature de faible valeur

Les associés peuvent décider à la majorité des voix de ne pas recourir à un commissaire aux apports si la valeur de chaque apport en nature ne dépasse pas la somme de trois mille dinars (Article 100 CSC).

Dans l’hypothèse où un commissaire aux apports n'a pas été désigné, les associés sont solidairement responsables à l'égard des tiers de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la constitution de la société (Article 100 CSC). L’obligation légale de garantie prévue par l’article 100 du CSC est « exclusive de toute idée de faute[16] ».

On peut s’interroger si la garantie pèse sur les premiers associés ou, en cas de modification de la répartition du capital, sur les associés existant au moment où l’action serait intentée. Une partie de la doctrine[17] penche pour la deuxième solution et donne l’argumentation suivante : « Si cette garantie a pour fondement l'obligation de représenter le capital social aux créanciers, elle doit peser sur ceux qui sont associés au jour où elle est demandée une nouvelle affirmation de la valeur des apports. Quant aux premiers associés qui ont cédé leur part, ils pourraient être également poursuivis, mais il faudrait alors établir leur faute personnelle ».

Cependant, la rédaction de l’article 135 du CSC traitant de l’augmentation du capital en nature semble infirmer cette position doctrinale. En effet, cet article dispose « Lorsque la valeur retenue est différente de celle proposée par le commissaire aux apports, les associés au jour de l'augmentation et les personnes ayant souscrit à l'augmentation du capital sont solidairement responsables à l'égard des tiers de l'évaluation de l'apport en nature pour une période de trois ans ».

L'action en responsabilité se prescrit par un délai de trois ans à compter de la date de constitution (Article 100 CSC).

- Sanctions pénales

L’article 146 du CSC punit d'un emprisonnement d'un an à 5 ans et d'une amende de 500 à 5.000 dinars, les personnes qui ont sciemment et de mauvaise foi, font attribuer à des apports en nature une évaluation supérieure à leur valeur réelle.

c) Les statuts doivent contenir une évaluation des apports en nature

L’article 100 du Code des Sociétés Commerciales dispose « L'acte constitutif de la société doit comporter une évaluation de tout apport en nature ».

§ D. Les conditions relatives à la société

1. L’objet social

Au-delà des limitations générales fondées sur le respect de l’ordre public et des bonnes mœurs, le législateur a prévu d’autres restrictions touchant l’objet social de la SARL.

Ne peuvent, en effet, prendre la forme d'une société à responsabilité limitée les sociétés d'assurance, les banques et autres institutions financières, les établissements de crédit[18] et d'une façon générale toute société à laquelle la loi impose de prendre une forme déterminée (Article 94 CSC). Le non respect de ces dispositions est sanctionné par la nullité de la société.

2. La durée de la société

Les associés sont libres pour fixer la durée de leur société. Une seule limitation est prévue par l’article 8 du CDPF : La durée d'une société ne peut excéder quatre‑vingt dix neuf ans. Cette durée pourra, le cas échéant, être prorogée.

3. La dénomination sociale

L’article 91 du Code des Sociétés Commerciales  dispose « La société ne peut se faire désigner par une dénomination sociale identique à celle d'une société préexistante ou présentant avec celle-ci une ressemblance de nature à induire les tiers en erreur. Dans ce cas, chaque intéressé peut saisir le tribunal compétent afin de faire cesser cette ressemblance et ce sans préjudice de la réparation du dommage subi ».

La société est désignée par une dénomination sociale qui doit être différente de celle de toute autre société. Si elle est identique ou si la ressemblance peut induire en erreur, tout intéressé peut la faire modifier et réclamer des dommages-intérêts.

Les fondateurs sont solidairement responsables de ces dommages-intérêts. Si la modification de dénomination est postérieure à la création de la société, les gérants sont solidairement responsables à leur tour.

Ces règles expriment un principe assurant à toute société commerciale la protection de la dénomination qu'elle s'est choisie.

Cette protection s'attache à la dénomination sociale telle qu'elle résulte des statuts, laquelle peut être différente du nom commercial utilisé par la société pour l'exploitation de son fonds de commerce. Le nom commercial bénéficie en tant que tel d'une protection sur la base de la loi sur les pratiques du commerce.

La protection de la dénomination sociale n'est pas réservée aux dénominations originales ou qui se caractériseraient par un certain degré de créativité.

4. Le siège social

Le siège social a une importance dans plusieurs domaines : compétence judiciaire, domicile fiscal.

L’article 10 du CSC dispose « Le siège social est le lieu du principal établissement dans lequel se trouve l'administration effective de la société[19] ».

Ainsi, le siège social doit être « réel » et correspondre au lieu où la société est effectivement dirigée.

Le siège social est ainsi le centre « intellectuel », le lieu où se prennent les décisions et se conduisent les affaires sociales.

Les règles relatives au siège social reçoivent de fréquentes applications (ex. en droit judiciaire, particulièrement lorsqu'il s'agit de déterminer où doit être faite la signification d'un exploit ; aussi, en droit fiscal, pour déterminer le lieu de déclaration des impôts[20] etc.).

Le déplacement du siège social n'est en principe opposable aux tiers que s'il a fait l'objet de la publicité que prescrit le CSC et de dépôt au registre de  commerce.

5. La nationalité

L’article 10 du CSC considère que les sociétés dont le siège social est situé sur le territoire tunisien sont soumises à la loi tunisienne. De son coté, l’article 95 du CSC dispose « La société à responsabilité limitée de nationalité tunisienne doit obligatoirement avoir son siège social en Tunisie ».

Section 3 : Les conditions de forme

§ A. L’établissement des statuts

1. Forme des statuts

a) Les statuts doivent être établis par écrit

Le contrat de société doit être rédigé par acte sous‑ seing privé ou acte authentique[21].

b) Rédaction des statuts

Sauf le cas où les statuts contiendraient des immeubles immatriculés, aucune restriction n’est exigée concernant le rédacteur des statuts.

Si les apports comprennent des apports en nature ayant pour objet un immeuble immatriculé, l’acte doit être rédigé, selon la législation en vigueur sous peine de nullité.

La législation exige notamment que l’acte constitutif  soit rédigé par:

-     Le conservateur de la propriété foncière, les directeurs régionaux ainsi que les agents de la conservation de la propriété foncière chargés de la mission de rédaction ;

-     Les notaires ;

-     Les avocats en exercice, non stagiaires.

Le rédacteur de l'acte est responsable envers la société et les associés en cas de faute lourde ou fraude.

2. Les mentions obligatoires dans les statuts

Les statuts doivent contenir impérativement des mentions obligatoires. Celles-ci ont été énoncées d’une manière générale par l’article 9 du CSC pour toutes sociétés commerciales. Par ailleurs, l’article 96 du CSC a énuméré les mentions qui doivent obligatoirement figurer dans l’acte constitutif de la SARL.

Article 9 du Code des Sociétés Commerciales

Article 96 du Code des Sociétés Commerciales

 

Pour les personnes physiques : les noms, prénoms et état civil, domicile et nationalité et pour les personnes morales : la dénomination sociale, la nationalité et le siège social.

La forme,

 

La durée,

La durée de la société.

La raison ou la dénomination sociale,

 

Le siège social,

 

L'objet social,

L'objet social

Le montant du capital social

Le montant du capital de la société avec la répartition des parts qui le représentent ainsi que l'indication de l'institution bancaire ou financière habilitée à recevoir les apports en numéraire.

 

La répartition des apports en numéraire et en nature ainsi que l'évaluation de ces derniers.

 

Le cas échéant, le ou les gérants pour les gérants statutaires

 

Les modalités de libération.

 

La date de clôture du bilan annuel 

En outre, on doit ajouter le matricule fiscal et à défaut le numéro de la carte d'identité nationale de chacun des associés[22].

3. Pièces annexées aux statuts

En application des dispositions du 3ème alinéa de l’article 100 du CSC[23], le rapport du commissaire aux apports doit être annexé aux statuts.

4. Enregistrement des statuts

Les apports purs et simples donnent lieu à un droit fixe de 100 dinars qu'ils soient en numéraires ou en nature.

Le passif pris en charge par la société bénéficiaire de l'apport doit être imputé selon les règles et dans l'ordre suivant :

  • Selon la règle de rattachement : (Ainsi un emprunt garanti par une hypothèque s'impute sur l'immeuble hypothéqué en garantie et entraîne le droit d'apport de 5% applicable aux mutations d'immeubles).
  • Au mieux pour la société, mais cela nécessite d'indiquer l'imputation dans l'acte constatant l'apport ou dans un acte séparé.
  • A défaut d'imputation expresse, l'imputation du passif s'effectue proportionnellement aux apports concernés.

La société a intérêt à adopter l'ordre d'imputation le plus avantageux consistant à imputer le passif dans l'ordre suivant :

  • La trésorerie + les créances + les marchandises + le matériel. Cette imputation n'entraîne pas d'imposition, soit un taux zéro.
  • Le fonds de commerce (éléments incorporels) et le droit au bail. Cette imputation entraîne un taux de 2,5%.
  • Les immeubles. Cette imputation est soumise au taux de 5%, le plus élevé.

La liquidation des droits supplémentaires particuliers aux apports d'immeubles :

  • En cas d'apport d'immeuble sans mention de l'origine de propriété ou sans mention des références de l'enregistrement de la précédente mutation, le droit complémentaire au taux de 3% est dû.
  • Le salaire de la conservation est dû au taux de 1% (ou à défaut le droit sur les immeubles non immatriculés).

Lorsque l’enregistrement a donné lieu à la perception d’un droit proportionnel, il est dû un droit de timbre de 2 dinars par feuille.

§ B. La publicité légale

1. La publicité des statuts

La publicité est faite par une insertion au Journal Officiel de la République Tunisienne et dans deux journaux quotidiens dont l'un est publié en langue arabe et ce, dans un délai d'un mois à partir de la constitution définitive de la société. Les formalités de publicité sont effectuées par le représentant légal de la société et sous sa responsabilité (Article 15 CSC).

2. L’immatriculation au registre de commerce

L’article 14 du CSC dispose : « La société doit être immatriculée au registre du commerce du tribunal de son siège social dans un délai d'un mois à compter de la date de sa constitution.

L'immatriculation se fait par le dépôt des statuts de la société et des documents prévus par la loi relative au registre de commerce ».

En vertu des dispositions de l’article 10 de la loi n° 95-44 du 2 mai 1995 relative au registre de commerce, « toute personne morale assujettie à l’immatriculation doit demander cette immatriculation au greffe du tribunal dans le ressort duquel est situé son siège.

L'immatriculation des sociétés est demandée dès l'accomplissement des formalités de constitution, sous réserve des dispositions prévues au titre 3 du livre premier du code de commerce[24] en ce qui concerne les sociétés commerciales et notamment, des formalités de publicité ».

L’article 45 de la loi relative au registre de commerce ajoute « Les actes constitutifs des personnes morales dont le siège social est situé sur le territoire tunisien et qui sont désignées ci-après sont déposés au plus tard en même temps que la demande d'immatriculation ».

3. Sanctions pour inobservation des formalités de publicité

L'inobservation des formalités de publicité prescrites par les articles précédents entraîne la nullité de la société nouvellement constituée et la nullité de l'acte ou de la délibération sous réserve de la régularisation (Article 17 CSC).

En outre, l'inobservation des formalités de publicité sus – mentionnées expose les dirigeants sociaux qui en ont la charge à une sanction d'amende de trois cent à trois mille dinars.



[1] G. RIPERT, Traité élémentaire de droit commercial, 10ème édition par R. ROBLOT, Editions L.G.D.J, 1986, p. 649 

[2] En application des dispositions de l’article 55 du CSC, « Les associés en nom collectif ont la qualité de commerçant ».

[3] L’article 67 du CSC soumet les associés commandités au même régime juridique que celui auquel sont soumis les associés dans une société en nom collectif. En revanche, les associés commanditaires sont soumis au même régime juridique que celui auquel sont soumis les associés dans une société à responsabilité limitée.

[4] En vertu des dispositions de l’article 390 du CSC, les commandités ont la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales.

[5] M. COZIAN, A. VIANDIER, Droit des sociétés, Editions LITEC, 9ème édition, 1996, p. 436

[6] Y. GUYON, Droit des affaires, Tome 1, Droit commercial général et sociétés, Editions Economica, 9ème édition, 1996, p. 504

[7] En vertu des dispositions de l’article 65 du CSC, les sociétés en nom collectif sont soumises aux causes de dissolution suivantes :

1)   L'impossibilité pour l’un des associés de céder ses parts si la société a été constituée à durée illimitée à condition que sa décision de céder ses parts ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes de la société eu égard aux circonstances dans lesquelles la décision de cession a été prise.

2)   La survenance de l'incapacité ou la faillite d'un associé.

Toutefois, les autres associés peuvent à l'unanimité décider que la société continuera entre eux, à l'exclusion du démissionnaire, de l'incapable ou du failli, mais à condition de procéder aux mesures de publicité légale.

[8] Dans le cadre des travaux préparatoires ayant précédé la promulgation du CSC (JORT, Débats de la Chambre des Députés, Session 2001-2000, N° 4, mardi 31 octobre, p. 71), le minsitère a donné la justification suivante à la limitation à 50 du nombre d’associés dans la SARL :

فالهدف منه أن لا تتحول بصفة فعلية إلى شركة خفية الإسم بتضخيم عدد المساهمين وهي طريقة فعلية للجوء إلى إلادخار العمومي ولم يحدد هذا الفصل الأجل الذي يمكن منحه لتلافي الإخلال بمخالفة أحكام الفقرة الأولى وترك الأمر لإجتهاد المحكمة لتتولى ضبطه حسب الحالات ومعطيات الواقع ليكون أكثر نجاعة ويستجيب للهدف منه."

[9] G. RIPERT, op. cit., p. 659

[10] En vertu des dispositions de l’article 11 du CSC : « Nul ne peut être associé dans une société en nom collectif ou commandité dans une société en commandite simple ou par actions s'il n'a pas la capacité requise pour la profession commerciale. Toutefois les personnes qui n'ont pas la capacité requise pour l'exercice du commerce peuvent être des associés commanditaires dans une société en commandite simple, ou associés dans une société à responsabilité limitée, ou actionnaires dans une société anonyme ou dans une société en commandite par actions L'apport en nature dans une société à responsabilité limitée ne fait pas obstacle à l'exercice de ce droit. L'existence d'apports en nature dans une société à responsabilité limitée, n'empêche pas les associés de procéder à l'exercice de ce droit».

[11] En vertu des dispositions de l’article 101 du CSC, il est interdit à une société à responsabilité limitée d'émettre ou de garantir des valeurs mobilières. Toute décision contraire est considérée nulle.

[12] L’associé peut effectuer un apport pur et simple : c’est celui qui est fait moyennant l’attribution exclusive de parts sociales.

Il peut effectuer un apport mixte : c’est l’hypothèse où une partie de l’apport est rémunéré par  l’attribution de droits sociaux (parts de la société) et le reste est rémunéré soit par la prise en charge partielle ou totale des dettes de l’apporteur, soit par le versement d’une somme d’argent ou par la remise de titre de créance. L’apport mixte résulte donc de deux opérations juridiques distinctes : l’une donne la qualité d’associé, l’autre est une vente.

Il peut effectuer un apport à titre onéreux : c’est le fait de transmettre des biens à la société moyennant le versement d’une somme d’argent ou le règlement de dettes déterminées, d’un montant égal à la valeur de l’apport. En réalité il s’agit d’une vente faite à la société et l’expression utilisée dans ce cas est sans rapport avec la définition juridique du terme.

[13] CA Paris 30 novembre 1976, G.P. 1977.1.314 ; Rapporté in Mémento pratique, sociétés commerciales, Editions Francis Lefebvre, 1998, § 798

[14] En droit français, le dépôt des fonds doit figurer dans les statuts, donc doit être préalable à la signature des statuts. Le texte tunisien (les fonds provenant de la libération des parts sociales sont déposés auprès d'un établissement financier) diffère du texte français (les fonds correspondant aux apports en numéraire doivent dans les 8 jours de leur réception être déposés pour le compte de la société en formation). Le texte tunisien laisse entendre que le dépôt des fonds matérialise l’engagement de l’associé à libérer son apport, opération qui fait suite à son consentement au contrat de la société donc postérieure à la rédaction des statuts. Mais, il est particulièrement recommandé de ne pas signer les statuts qu’après libération effective de tous les apports car aucune preuve contraire au contenu des statuts n’est admise entre les associés.

[15] Pour une société anonyme faisant appel public à l’épargne, ne peuvent être désignés commissaires aux apports en application des dispositions de l’article 174 du CSC :

1. les personnes qui ont fait l'apport en nature objet de l'évaluation.

2. les ascendants, descendants, collatéraux et alliés jusqu'au deuxième degré inclusivement des personnes suivantes :

-    des apporteurs en nature,

-    des fondateurs de la société,

-    des administrateurs ou membres du directoire lors des augmentations du capital social.

3. Les personnes recevant, sous une forme quelconque un salaire ou une rémunération à raison de fonctions autres que celles de commissaire, des personnes suivantes

-  des apporteurs.

-  des fondateurs d'une autre société souscrivant dix pour cent du capital de la société, lors de sa constitution.

-  des gérants ou de la société elle-même, ou de toute entreprise détenant dix pour cent du capital de la société ou qui détiendrait le dixième du capital lors de l'augmentation de capital.

4. les personnes à qui l'exercice de la fonction d'administrateur est interdite ou qui sont déchues du droit d'exercer cette fonction.

5. les conjoints des personnes sus‑visées aux paragraphes de 1 à 4.

[16] P. MERLE, Droit commercial, Sociétés commerciales, Editions DALLOZ, § 180

[17] G. RIPERT, op. cit., p. 666

[18] En vertu des dispositions l’article 2 de la loi n° 2001-65 du 10 juillet 2001, relative aux établissements de crédit, est considérée comme établissement de crédit, toute personne morale qui exerce, à titre de profession habituelle, les opérations bancaires.

Les opérations bancaires comprennent :

- la réception des dépôts du public quelles qu'en soient la durée et la forme,

- l'octroi de crédits sous toutes leurs formes,

- l'exercice, à titre d'intermédiaire, des opérations de change,

- la mise à la disposition de la clientèle et la gestion des moyens de paiement.

L’article 12 de la loi susvisée dispose « Tout établissement de crédit soumis aux dispositions de la présente loi ayant son siège social en Tunisie ne peut être constitué que sous la forme de société anonyme, sauf les cas prévus par la loi ».

[19] Sur la notion de « principal établissement dans lequel se trouve l'administration effective de la société », le ministère a donné, dans le cadre des travaux préparatoires ayant précédé la promulgation du CSC (JORT, Débats de la Chambre des Députés, Session 2001-2000, N° 4, mardi 31 octobre, p. 71), les précisions suivantes :

يحدد مقر الشركة بالرجوع إلى عقدها التأسيسي المعين به مقرها كما يقتضيه القانون ولكن يحدث أن تكون للشركة مدة فروع وأن يكون أحد فروعها أكثر أهمية إداريا وإقتصاديا من الفرع الكائن به مقرها الإجتماعي كما يسعى المشروع أيضا إلى تفادي المقرات الصورية للشركات نظرا لما ينتج عن ذلك من صعوبات للدائنين والمتعاملين مع الشركة عموما.

[20] Aux termes de l’article 3 du Code des Droits et procédures Fiscaux, les impôts régis par le présent code doivent être établis et déclarés au lieu du siège social ou de l'établissement principal pour les sociétés et autres personnes morales.

[21] Cette règle vaut pour toutes les sociétés à l'exception de la société en participation

[22] L’article 93 du Code des Droits d’Enregistrement et de Timbres dispose « Pour les besoins de l'accomplissement de la formalité de l'enregistrement, chacune des parties doit indiquer dans l'acte ou déclaration soumis obligatoirement à l'enregistrement, son matricule fiscal et à défaut le numéro de sa carte d'identité nationale. En cas d'omission, le Receveur des Finances doit inviter les parties à compléter ces indications certifiées et signées, au pied de l'acte ou de la déclaration. »

[23] Cet alinéa n’a pas été traduit dans la version française du JORT.

[24] L’article 2 de la loi n° 2000‑93 du 3 novembre 2000, portant promulgation du Code des Sociétés Commerciales a abrogé le titre 3 du livre premier du code de commerce.

Chapitre 1 : Constitution SARL

 

Premier Chapitre :

La constitution de la Société A Responsabilité Limitée

 

Sommaire

Section 1 : Introduction

§ A. L’origine de la SARL

§ B. Définition de la SARL

§ C. Caractéristiques de la SARL

1. La SARL est une société commerciale

2. Les associés de la SARL ne sont pas des commerçants

3. La responsabilité des associés est limitée au montant de leurs apports

§ D. La nature hybride de la SARL

Section 2 : Les conditions de fonds

§ A. Les conditions relatives aux associés

1. Le nombre d’associés

2. La capacité des associés

3. Le consentement des associés

4. L’affectio societatis

§ B. Conditions relatives au capital

1. Capital minimum

2. Division du capital en parts sociales

3. Interdiction de réduire le capital au-dessous du minimum légal

§ C. Conditions relatives aux apports

1. L’obligation d’effectuer des apports

2. Les apports en numéraire

3. Les apports en nature

§ D. Les conditions relatives à la société

1. L’objet social

2. La durée de la société

3. La dénomination sociale

4. Le siège social

5. La nationalité

Section 3 : Les conditions de forme

§ A. L’établissement des statuts

1. Forme des statuts

2. Les mentions obligatoires dans les statuts

3. Pièces annexées aux statuts

4. Enregistrement des statuts

§ B. La publicité légale

1. La publicité des statuts

2. L’immatriculation au registre de commerce

3. Sanctions pour inobservation des formalités de publicité

 

Premier Chapitre :

La constitution de la Société A Responsabilité Limitée

 

Section 1 : Introduction

§ A. L’origine de la SARL

La SARL est une conception juridique du droit allemand (Gmbh) datant de 1892. Elle a été introduite en droit français par la loi du 7 mars 1925.

En Tunisie, la SARL a été prévue à l’origine par le Code de Commerce promulgué par la loi n° 59-129 du 5 octobre 1959 et entré en vigueur le 1er janvier 1960. Les articles 149 à 176 du Code de Commerce ont réglementé la constitution de la SARL, son fonctionnement, les cessions de parts, la répartition des bénéfices et la dissolution de ce type de sociétés.

L’article 2 de la loi n° 2000‑93 du 3 novembre 2000, portant promulgation du Code des Sociétés Commerciales a abrogé les articles 14 à 188 du code de commerce. Désormais, la SARL est notamment régie en droit tunisien par le Livre trois du code des sociétés commerciales (CSC). Ce livre troisième comprend trois titres :

-      Titre premier contenant des dispositions générales (articles 90 à 92 du CSC) ;

-      Titre deuxième traitant de la constitution de la société à responsabilité limitée (articles 93 à 108 du CSC), du régime des parts sociales (articles 109 à 111 du CSC), de la gestion de la société à responsabilité limitée (articles 112 à 140 du CSC) et de la dissolution et transformation de la société (articles 141 à 147 du CSC) ;

-      Titre troisième traitant de la société unipersonnelle à responsabilité limitée (articles 148 à 159 du CSC).

§ B. Définition de la SARL

La société à responsabilité limitée peut être définie comme étant une « société commerciale groupant des associés qui n’ont pas la qualité de commerçant et qui ne sont responsables que de leur apport[1] ».

§ C. Caractéristiques de la SARL

On retrouve dans la définition de la SARL, les principaux éléments caractéristiques de ce type de sociétés :

1. La SARL est une société commerciale

L’article 7 du CSC dispose : « Sont commerciales par la forme et quel que soit l'objet de leur activité, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés anonymes ».

Il en découle que la SARL est toujours commerciale quel que soit son objet.

2. Les associés de la SARL ne sont pas des commerçants

A l’inverse des associés de la SNC[2], des commandités de la société en commandite simple[3] ou en commandite par actions[4], les associés de la SARL n’ont pas la qualité de commerçants.

3. La responsabilité des associés est limitée au montant de leurs apports

La société à responsabilité limitée est constituée entre deux ou plusieurs personnes qui ne supportent les pertes que jusqu'à concurrence de leurs apports (Article 90 CSC).

Cependant, cette règle connaît principalement deux exceptions :

a) La première exception a une origine légale ; elle concerne l’action en comblement du passif et l’extension  de la faillite aux associés
- L’extension de la faillite aux associés

En cas de faillite d’une société, la faillite peut être déclarée commune à toute personne qui sous le couvert de cette société, masquant ses agissements, a fait dans son intérêt personnel, des actes de commerces et disposé de fait des biens sociaux comme de ses biens propres (Article 596 Code de Commerce).

- L’action en comblement du passif

L’article 121 du CSC dispose : « En cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de faillite, toute personne ayant exercé de fait les pouvoirs de gestion dans la société peut être rendue responsable de tout ou partie du passif social et peut être soumise aux interdictions et aux déchéances prévues par la loi dans les mêmes conditions que le gérant ».

- Cas des groupes de sociétés

Dans le cadre d’un groupe de sociétés, les procédures de faillite et de redressement ouvertes contre l'une des sociétés appartenant au groupe de sociétés peuvent être étendues aux autres sociétés y appartenant en cas de confusion de leurs patrimoines, d'escroquerie ou d'abus des biens de la société faisant l'objet des procédures de faillite ou de redressement, ou s'il est établi que la société débitrice était fictive, et que les sociétés appartenant au groupe ont donné l'apparence d'y être associées. La faillite peut être étendue aux dirigeants de droit ou de fait des autres sociétés appartenant au groupe de sociétés s'il est établi que la faillite est due à leur fait (Article 478 CSC).

b) La deuxième exception est une exception de fait  consacrée par la pratique

Les bailleurs de fonds (établissements de crédit) subordonnent généralement le consentement des crédits bancaires à l’engagement de garantie des gérants ou des principaux associés (ex. caution personnelle).

§ D. La nature hybride de la SARL

Représentant en pratique la forme dominante, la SARL a connu un succès incontestable en Tunisie.

La raison de succès peut être attribuée à la nature hybride de la SARL : c’est une société à mi-chemin entre sociétés de personnes et sociétés de capitaux :

-     « pour son âme, c’est une société de personnes ; la personnalité de l’associé compte plus que son portefeuille[5] » ; cette confirmation est appuyée par le nombre relativement faible des associés, la prédominance de l’intuitus personae, la non-négociabilité des parts sociales. « La SARL est plus ouverte que la SNC, mais plus fermée que la société anonyme. Les associés sont identifiés, se connaissent et se font confiance[6] » ; mais contrairement aux sociétés de personnes, les associés de la SARL n’encourent pas un grand risque si ce n’est celui de perdre leurs apports. Aussi, les causes de dissolution rattachées à la personne des associés dans les sociétés de personnes sont inapplicables dans la SARL[7] ;

-     Par ailleurs, la SARL emprunte aux sociétés de capitaux, la limitation de la responsabilité des associés à leurs apports. Aussi, la SARL rejoint les sociétés de capitaux, au niveau de l’organisation juridique de la société, dans la prédominance de l’aspect institutionnel sur l’aspect contractuel.

Section 2 : Les conditions de fonds

§ A. Les conditions relatives aux associés

1. Le nombre d’associés

a) Nombre minimal

La société à responsabilité limitée est constituée entre deux ou plusieurs personnes qui ne contribuent aux pertes que jusqu'à concurrence de leurs apports. Lorsque la société à responsabilité limitée peut ne comporter qu'un seul associé elle est dénommée « société unipersonnelle à responsabilité limitée » (Article 90 CSC).

Les associés de la SARL peuvent être des personnes physiques ou des personnes morales.

b) Nombre maximal

Le nombre des associés d'une S.A.R.L ne peut être supérieur à cinquante[8] (Article 93 CSC).

Cette limitation légale du nombre d’associés est fondée sur la nécessité pour les associés de se connaître (intuitu personae). Aussi, cette limitation découle de l’idée que la SARL doit servir de cadre pour les petites et moyennes entreprises exclusivement[9].

Si la société vient à comprendre plus de cinquante associés, elle devra dans un délai d'un an être transformée en société par actions à moins que le nombre des associés ne soit ramené à cinquante ou moins dans le délai sus ‑ indiqué. A défaut, tout intéressé peut demander la dissolution judiciaire de la société.

Toutefois, le tribunal saisi de l'action en dissolution pourra accorder un délai supplémentaire afin de permettre aux associés de se conformer aux dispositions susvisées (Article 93 CSC).

2. La capacité des associés

Contrairement aux associés dans une société en nom collectif ou commandités dans une société en commandite simple ou par actions[10], les incapables peuvent devenir associés dans la SARL par l’intermédiaire de leur représentant.

3. Le consentement des associés

Dans la SARL, le contrat est conclu intuitu personae. Le consentement des associés doit donc être érigée en principe majeur.

De ce fait, on admet que l’erreur sur la personne constitue un vice de consentement.

4. L’affectio societatis

Les associés de la SARL doivent être animés par l’affectio societatis.

§ B. Conditions relatives au capital

1. Capital minimum

Le capital de la société ne peut être inférieur à dix mille dinars. Toutefois, le capital des sociétés à responsabilité limitée qui gèrent des entreprises de presse ne peut être inférieur à cinq mille dinars(Article 93 CSC).

2. Division du capital en parts sociales

Le capital social est divisé en parts sociales à valeur nominale égale dont le montant ne peut être inférieur à cinq dinars (Article 93 CSC). Cette valeur nominale est librement fixée au niveau des statuts.

Toutes les parts sociales composant le capital social doivent avoir la même valeur nominale.

Les parts sociales émises par la SARL sont des titres non négociables[11].

3. Interdiction de réduire le capital au-dessous du minimum légal

Le capital social ne peut être réduit au-dessous du minimum légal.

La réduction du capital social ne peut amener celui-ci à un montant inférieur au minimum légal sauf si la société à responsabilité limitée s'est transformée en une autre forme de société.

En cas d'inobservation des dispositions sus ‑ indiquées, tout intéressé peut demander au tribunal compétent la dissolution de la société. Cette dissolution ne peut être prononcée si, au jour où le tribunal statue sur le fond en premier ressort, la régularisation a eu lieu. Nonobstant la régularisation, les frais de poursuite restent à la charge des défendeurs (Article 92 CSC).

§ C. Conditions relatives aux apports

1. L’obligation d’effectuer des apports

Les apports constituent l’ensemble des biens affectés au capital social de la société.
Chaque associé a l’obligation de faire l’apport d’une somme d’argent, d’un bien afin de constituer le patrimoine de la société. Ainsi sans apports il n’y a pas de société car les apports servent à atteindre l’objet social.

L’obligation d’effectuer un apport apparaît dans l’article 6 du Code des Sociétés Commerciales  qui dispose que «Chaque associé est débiteur de son apport à l'égard de la société ». Par ailleurs plusieurs associés peuvent faire ensemble l’apport d’un bien unique.

Dans la SARL, les apports doivent être intégralement libérés lors de la constitution de la société.

La contrepartie de l’apport se traduit par l’attribution de droits sociaux (parts sociales)[12].

En principe les apports déterminent la vocation de chaque associé à participer aux bénéfices  ou à contribuer aux pertes. L’article 5 du Code des Sociétés Commerciales  dispose « Les apports peuvent être soit en numéraire, soit en nature, soit en industrie. L'ensemble de ces apports, à l'exception de l'apport en industrie, constitue le capital de la société. Ce dernier est le gage exclusif des créanciers sociaux ».

Les apports dans une SARL peuvent être faits en numéraire ou en nature. Les apports en industrie y sont interdits (Article 97 CSC).

2. Les apports en numéraire

a) Définition

Il consiste au versement d’une somme d’argent à la société. C’est l’apport le plus fréquent en pratique qui ne doit pas être confondu avec l’avance en compte courant qui constitue un prêt consenti par l’associé à la société.

b) L’obligation de déposer les fonds provenant des apports en numéraire auprès d’un établissement financier
- L’obligation de dépôt des fonds

Les fonds provenant de la libération des parts sociales sont déposés auprès d'un établissement financier (Article 98 CSC).

Selon la jurisprudence française, les fonds déposés sont indisponibles. Il s’ensuit qu’ils ne peuvent pas faire l’objet d’une compensation avec une dette de l’apporteur à l’égard du dépositaire des fonds[13].

- Le retrait des fonds

Le gérant ne pourra retirer ces fonds ou en disposer qu'après l'accomplissement de toutes les formalités de constitution de la société et son immatriculation au registre de commerce.

Si la société n'est pas constituée dans le délai de six mois à compter de la date du dépôt des fonds, tout apporteur pourra saisir le juge des référés afin d'obtenir l'autorisation de retirer le montant de ses apports. Si les apporteurs décident ultérieurement de constituer la société, il sera procédé à un nouveau dépôt des fonds dans les mêmes conditions (Article 98 CSC).

- Sanctions

L’article 104 du Code des Sociétés Commerciales  frappe de nullité toute société à responsabilité limitée constituée en violation des articles 93 à 100 du Code des Sociétés Commerciales.

Il en découle que la société risque l’annulation si les fonds provenant de la libération des parts sociales ne sont pas déposés auprès d'un établissement financier.

c) L’obligation de libérer l’intégralité des apports en numéraire
- Interdiction des libérations fractionnées des apports

Dans la SARL, il est obligatoire que l’intégralité des apports en numéraire soit libérée dés la souscription. Autrement dit, le capital social doit être intégralement souscrit et libéré dès la constitution de la société (ou en cas d’augmentation du capital en numéraire, à la souscription à cette augmentation du capital).

- Mention de la libération des fonds au niveau des statuts

La société à responsabilité limitée n'est constituée définitivement que lorsque les statuts mentionnent que toutes les parts représentant des apports en numéraire ou en nature, ont été réparties entre les associés et que leur valeur a été totalement libérée. Les fondateurs doivent mentionner expressément dans les statuts que ces conditions ont été respectées[14] (Article 97 CSC).

3. Les apports en nature

a) Définition

C’est l’apport de biens ou valeurs autres que de l’argent. Il peut s’agir de tous biens meubles et immeubles, corporels et incorporels.

L’apport en nature peut être fait en toute propriété ou seulement en jouissance ou en usufruit.

L’apport en pleine propriété permet à la société de disposer de l’intégralité des droits que possédait l’apporteur sur le bien.

L’apport en jouissance permet à l’associé de garder la propriété du bien apporté mais il doit le mettre à la disposition de la société et s’engager à la faire jouir du bien pendant une période déterminée.

L'apport en usufruit permet à l'associé de garder la propriété du bien apporté mais les bénéfices ou l’utilisation générés par ce bien profitent à la société.

b) L’évaluation des apports en nature
- Règle générale

L'évaluation de l'apport en nature doit être faite par un commissaire aux apports qui doit être désigné à l'unanimité des associés, ou à défaut par ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal de première instance dans le ressort duquel est situé le siège de la société. Cette ordonnance est rendue à la demande du futur associé le plus diligent (Article 100 CSC).

Les associés ne peuvent donc procéder à l’évaluation des apports qu’au vu d’un rapport établi par un commissaire aux apports. Le rapport de ce dernier doit être annexé aux statuts.

Le législateur n’a pas prévu d’incompatibilités pour le commissaire aux apports de la SARL[15].

-  Possibilité de ne pas recourir à un commissaire aux apports pour les apports en nature de faible valeur

Les associés peuvent décider à la majorité des voix de ne pas recourir à un commissaire aux apports si la valeur de chaque apport en nature ne dépasse pas la somme de trois mille dinars (Article 100 CSC).

Dans l’hypothèse où un commissaire aux apports n'a pas été désigné, les associés sont solidairement responsables à l'égard des tiers de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la constitution de la société (Article 100 CSC). L’obligation légale de garantie prévue par l’article 100 du CSC est « exclusive de toute idée de faute[16] ».

On peut s’interroger si la garantie pèse sur les premiers associés ou, en cas de modification de la répartition du capital, sur les associés existant au moment où l’action serait intentée. Une partie de la doctrine[17] penche pour la deuxième solution et donne l’argumentation suivante : « Si cette garantie a pour fondement l'obligation de représenter le capital social aux créanciers, elle doit peser sur ceux qui sont associés au jour où elle est demandée une nouvelle affirmation de la valeur des apports. Quant aux premiers associés qui ont cédé leur part, ils pourraient être également poursuivis, mais il faudrait alors établir leur faute personnelle ».

Cependant, la rédaction de l’article 135 du CSC traitant de l’augmentation du capital en nature semble infirmer cette position doctrinale. En effet, cet article dispose « Lorsque la valeur retenue est différente de celle proposée par le commissaire aux apports, les associés au jour de l'augmentation et les personnes ayant souscrit à l'augmentation du capital sont solidairement responsables à l'égard des tiers de l'évaluation de l'apport en nature pour une période de trois ans ».

L'action en responsabilité se prescrit par un délai de trois ans à compter de la date de constitution (Article 100 CSC).

- Sanctions pénales

L’article 146 du CSC punit d'un emprisonnement d'un an à 5 ans et d'une amende de 500 à 5.000 dinars, les personnes qui ont sciemment et de mauvaise foi, font attribuer à des apports en nature une évaluation supérieure à leur valeur réelle.

c) Les statuts doivent contenir une évaluation des apports en nature

L’article 100 du Code des Sociétés Commerciales dispose « L'acte constitutif de la société doit comporter une évaluation de tout apport en nature ».

§ D. Les conditions relatives à la société

1. L’objet social

Au-delà des limitations générales fondées sur le respect de l’ordre public et des bonnes mœurs, le législateur a prévu d’autres restrictions touchant l’objet social de la SARL.

Ne peuvent, en effet, prendre la forme d'une société à responsabilité limitée les sociétés d'assurance, les banques et autres institutions financières, les établissements de crédit[18] et d'une façon générale toute société à laquelle la loi impose de prendre une forme déterminée (Article 94 CSC). Le non respect de ces dispositions est sanctionné par la nullité de la société.

2. La durée de la société

Les associés sont libres pour fixer la durée de leur société. Une seule limitation est prévue par l’article 8 du CDPF : La durée d'une société ne peut excéder quatre‑vingt dix neuf ans. Cette durée pourra, le cas échéant, être prorogée.

3. La dénomination sociale

L’article 91 du Code des Sociétés Commerciales  dispose « La société ne peut se faire désigner par une dénomination sociale identique à celle d'une société préexistante ou présentant avec celle-ci une ressemblance de nature à induire les tiers en erreur. Dans ce cas, chaque intéressé peut saisir le tribunal compétent afin de faire cesser cette ressemblance et ce sans préjudice de la réparation du dommage subi ».

La société est désignée par une dénomination sociale qui doit être différente de celle de toute autre société. Si elle est identique ou si la ressemblance peut induire en erreur, tout intéressé peut la faire modifier et réclamer des dommages-intérêts.

Les fondateurs sont solidairement responsables de ces dommages-intérêts. Si la modification de dénomination est postérieure à la création de la société, les gérants sont solidairement responsables à leur tour.

Ces règles expriment un principe assurant à toute société commerciale la protection de la dénomination qu'elle s'est choisie.

Cette protection s'attache à la dénomination sociale telle qu'elle résulte des statuts, laquelle peut être différente du nom commercial utilisé par la société pour l'exploitation de son fonds de commerce. Le nom commercial bénéficie en tant que tel d'une protection sur la base de la loi sur les pratiques du commerce.

La protection de la dénomination sociale n'est pas réservée aux dénominations originales ou qui se caractériseraient par un certain degré de créativité.

4. Le siège social

Le siège social a une importance dans plusieurs domaines : compétence judiciaire, domicile fiscal.

L’article 10 du CSC dispose « Le siège social est le lieu du principal établissement dans lequel se trouve l'administration effective de la société[19] ».

Ainsi, le siège social doit être « réel » et correspondre au lieu où la société est effectivement dirigée.

Le siège social est ainsi le centre « intellectuel », le lieu où se prennent les décisions et se conduisent les affaires sociales.

Les règles relatives au siège social reçoivent de fréquentes applications (ex. en droit judiciaire, particulièrement lorsqu'il s'agit de déterminer où doit être faite la signification d'un exploit ; aussi, en droit fiscal, pour déterminer le lieu de déclaration des impôts[20] etc.).

Le déplacement du siège social n'est en principe opposable aux tiers que s'il a fait l'objet de la publicité que prescrit le CSC et de dépôt au registre de  commerce.

5. La nationalité

L’article 10 du CSC considère que les sociétés dont le siège social est situé sur le territoire tunisien sont soumises à la loi tunisienne. De son coté, l’article 95 du CSC dispose « La société à responsabilité limitée de nationalité tunisienne doit obligatoirement avoir son siège social en Tunisie ».

Section 3 : Les conditions de forme

§ A. L’établissement des statuts

1. Forme des statuts

a) Les statuts doivent être établis par écrit

Le contrat de société doit être rédigé par acte sous‑ seing privé ou acte authentique[21].

b) Rédaction des statuts

Sauf le cas où les statuts contiendraient des immeubles immatriculés, aucune restriction n’est exigée concernant le rédacteur des statuts.

Si les apports comprennent des apports en nature ayant pour objet un immeuble immatriculé, l’acte doit être rédigé, selon la législation en vigueur sous peine de nullité.

La législation exige notamment que l’acte constitutif  soit rédigé par:

-     Le conservateur de la propriété foncière, les directeurs régionaux ainsi que les agents de la conservation de la propriété foncière chargés de la mission de rédaction ;

-     Les notaires ;

-     Les avocats en exercice, non stagiaires.

Le rédacteur de l'acte est responsable envers la société et les associés en cas de faute lourde ou fraude.

2. Les mentions obligatoires dans les statuts

Les statuts doivent contenir impérativement des mentions obligatoires. Celles-ci ont été énoncées d’une manière générale par l’article 9 du CSC pour toutes sociétés commerciales. Par ailleurs, l’article 96 du CSC a énuméré les mentions qui doivent obligatoirement figurer dans l’acte constitutif de la SARL.

Article 9 du Code des Sociétés Commerciales

Article 96 du Code des Sociétés Commerciales

 

Pour les personnes physiques : les noms, prénoms et état civil, domicile et nationalité et pour les personnes morales : la dénomination sociale, la nationalité et le siège social.

La forme,

 

La durée,

La durée de la société.

La raison ou la dénomination sociale,

 

Le siège social,

 

L'objet social,

L'objet social

Le montant du capital social

Le montant du capital de la société avec la répartition des parts qui le représentent ainsi que l'indication de l'institution bancaire ou financière habilitée à recevoir les apports en numéraire.

 

La répartition des apports en numéraire et en nature ainsi que l'évaluation de ces derniers.

 

Le cas échéant, le ou les gérants pour les gérants statutaires

 

Les modalités de libération.

 

La date de clôture du bilan annuel 

En outre, on doit ajouter le matricule fiscal et à défaut le numéro de la carte d'identité nationale de chacun des associés[22].

3. Pièces annexées aux statuts

En application des dispositions du 3ème alinéa de l’article 100 du CSC[23], le rapport du commissaire aux apports doit être annexé aux statuts.

4. Enregistrement des statuts

Les apports purs et simples donnent lieu à un droit fixe de 100 dinars qu'ils soient en numéraires ou en nature.

Le passif pris en charge par la société bénéficiaire de l'apport doit être imputé selon les règles et dans l'ordre suivant :

  • Selon la règle de rattachement : (Ainsi un emprunt garanti par une hypothèque s'impute sur l'immeuble hypothéqué en garantie et entraîne le droit d'apport de 5% applicable aux mutations d'immeubles).
  • Au mieux pour la société, mais cela nécessite d'indiquer l'imputation dans l'acte constatant l'apport ou dans un acte séparé.
  • A défaut d'imputation expresse, l'imputation du passif s'effectue proportionnellement aux apports concernés.

La société a intérêt à adopter l'ordre d'imputation le plus avantageux consistant à imputer le passif dans l'ordre suivant :

  • La trésorerie + les créances + les marchandises + le matériel. Cette imputation n'entraîne pas d'imposition, soit un taux zéro.
  • Le fonds de commerce (éléments incorporels) et le droit au bail. Cette imputation entraîne un taux de 2,5%.
  • Les immeubles. Cette imputation est soumise au taux de 5%, le plus élevé.

La liquidation des droits supplémentaires particuliers aux apports d'immeubles :

  • En cas d'apport d'immeuble sans mention de l'origine de propriété ou sans mention des références de l'enregistrement de la précédente mutation, le droit complémentaire au taux de 3% est dû.
  • Le salaire de la conservation est dû au taux de 1% (ou à défaut le droit sur les immeubles non immatriculés).

Lorsque l’enregistrement a donné lieu à la perception d’un droit proportionnel, il est dû un droit de timbre de 2 dinars par feuille.

§ B. La publicité légale

1. La publicité des statuts

La publicité est faite par une insertion au Journal Officiel de la République Tunisienne et dans deux journaux quotidiens dont l'un est publié en langue arabe et ce, dans un délai d'un mois à partir de la constitution définitive de la société. Les formalités de publicité sont effectuées par le représentant légal de la société et sous sa responsabilité (Article 15 CSC).

2. L’immatriculation au registre de commerce

L’article 14 du CSC dispose : « La société doit être immatriculée au registre du commerce du tribunal de son siège social dans un délai d'un mois à compter de la date de sa constitution.

L'immatriculation se fait par le dépôt des statuts de la société et des documents prévus par la loi relative au registre de commerce ».

En vertu des dispositions de l’article 10 de la loi n° 95-44 du 2 mai 1995 relative au registre de commerce, « toute personne morale assujettie à l’immatriculation doit demander cette immatriculation au greffe du tribunal dans le ressort duquel est situé son siège.

L'immatriculation des sociétés est demandée dès l'accomplissement des formalités de constitution, sous réserve des dispositions prévues au titre 3 du livre premier du code de commerce[24] en ce qui concerne les sociétés commerciales et notamment, des formalités de publicité ».

L’article 45 de la loi relative au registre de commerce ajoute « Les actes constitutifs des personnes morales dont le siège social est situé sur le territoire tunisien et qui sont désignées ci-après sont déposés au plus tard en même temps que la demande d'immatriculation ».

3. Sanctions pour inobservation des formalités de publicité

L'inobservation des formalités de publicité prescrites par les articles précédents entraîne la nullité de la société nouvellement constituée et la nullité de l'acte ou de la délibération sous réserve de la régularisation (Article 17 CSC).

En outre, l'inobservation des formalités de publicité sus – mentionnées expose les dirigeants sociaux qui en ont la charge à une sanction d'amende de trois cent à trois mille dinars.



[1] G. RIPERT, Traité élémentaire de droit commercial, 10ème édition par R. ROBLOT, Editions L.G.D.J, 1986, p. 649 

[2] En application des dispositions de l’article 55 du CSC, « Les associés en nom collectif ont la qualité de commerçant ».

[3] L’article 67 du CSC soumet les associés commandités au même régime juridique que celui auquel sont soumis les associés dans une société en nom collectif. En revanche, les associés commanditaires sont soumis au même régime juridique que celui auquel sont soumis les associés dans une société à responsabilité limitée.

[4] En vertu des dispositions de l’article 390 du CSC, les commandités ont la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales.

[5] M. COZIAN, A. VIANDIER, Droit des sociétés, Editions LITEC, 9ème édition, 1996, p. 436

[6] Y. GUYON, Droit des affaires, Tome 1, Droit commercial général et sociétés, Editions Economica, 9ème édition, 1996, p. 504

[7] En vertu des dispositions de l’article 65 du CSC, les sociétés en nom collectif sont soumises aux causes de dissolution suivantes :

1)   L'impossibilité pour l’un des associés de céder ses parts si la société a été constituée à durée illimitée à condition que sa décision de céder ses parts ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes de la société eu égard aux circonstances dans lesquelles la décision de cession a été prise.

2)   La survenance de l'incapacité ou la faillite d'un associé.

Toutefois, les autres associés peuvent à l'unanimité décider que la société continuera entre eux, à l'exclusion du démissionnaire, de l'incapable ou du failli, mais à condition de procéder aux mesures de publicité légale.

[8] Dans le cadre des travaux préparatoires ayant précédé la promulgation du CSC (JORT, Débats de la Chambre des Députés, Session 2001-2000, N° 4, mardi 31 octobre, p. 71), le minsitère a donné la justification suivante à la limitation à 50 du nombre d’associés dans la SARL :

فالهدف منه أن لا تتحول بصفة فعلية إلى شركة خفية الإسم بتضخيم عدد المساهمين وهي طريقة فعلية للجوء إلى إلادخار العمومي ولم يحدد هذا الفصل الأجل الذي يمكن منحه لتلافي الإخلال بمخالفة أحكام الفقرة الأولى وترك الأمر لإجتهاد المحكمة لتتولى ضبطه حسب الحالات ومعطيات الواقع ليكون أكثر نجاعة ويستجيب للهدف منه."

[9] G. RIPERT, op. cit., p. 659

[10] En vertu des dispositions de l’article 11 du CSC : « Nul ne peut être associé dans une société en nom collectif ou commandité dans une société en commandite simple ou par actions s'il n'a pas la capacité requise pour la profession commerciale. Toutefois les personnes qui n'ont pas la capacité requise pour l'exercice du commerce peuvent être des associés commanditaires dans une société en commandite simple, ou associés dans une société à responsabilité limitée, ou actionnaires dans une société anonyme ou dans une société en commandite par actions L'apport en nature dans une société à responsabilité limitée ne fait pas obstacle à l'exercice de ce droit. L'existence d'apports en nature dans une société à responsabilité limitée, n'empêche pas les associés de procéder à l'exercice de ce droit».

[11] En vertu des dispositions de l’article 101 du CSC, il est interdit à une société à responsabilité limitée d'émettre ou de garantir des valeurs mobilières. Toute décision contraire est considérée nulle.

[12] L’associé peut effectuer un apport pur et simple : c’est celui qui est fait moyennant l’attribution exclusive de parts sociales.

Il peut effectuer un apport mixte : c’est l’hypothèse où une partie de l’apport est rémunéré par  l’attribution de droits sociaux (parts de la société) et le reste est rémunéré soit par la prise en charge partielle ou totale des dettes de l’apporteur, soit par le versement d’une somme d’argent ou par la remise de titre de créance. L’apport mixte résulte donc de deux opérations juridiques distinctes : l’une donne la qualité d’associé, l’autre est une vente.

Il peut effectuer un apport à titre onéreux : c’est le fait de transmettre des biens à la société moyennant le versement d’une somme d’argent ou le règlement de dettes déterminées, d’un montant égal à la valeur de l’apport. En réalité il s’agit d’une vente faite à la société et l’expression utilisée dans ce cas est sans rapport avec la définition juridique du terme.

[13] CA Paris 30 novembre 1976, G.P. 1977.1.314 ; Rapporté in Mémento pratique, sociétés commerciales, Editions Francis Lefebvre, 1998, § 798

[14] En droit français, le dépôt des fonds doit figurer dans les statuts, donc doit être préalable à la signature des statuts. Le texte tunisien (les fonds provenant de la libération des parts sociales sont déposés auprès d'un établissement financier) diffère du texte français (les fonds correspondant aux apports en numéraire doivent dans les 8 jours de leur réception être déposés pour le compte de la société en formation). Le texte tunisien laisse entendre que le dépôt des fonds matérialise l’engagement de l’associé à libérer son apport, opération qui fait suite à son consentement au contrat de la société donc postérieure à la rédaction des statuts. Mais, il est particulièrement recommandé de ne pas signer les statuts qu’après libération effective de tous les apports car aucune preuve contraire au contenu des statuts n’est admise entre les associés.

[15] Pour une société anonyme faisant appel public à l’épargne, ne peuvent être désignés commissaires aux apports en application des dispositions de l’article 174 du CSC :

1. les personnes qui ont fait l'apport en nature objet de l'évaluation.

2. les ascendants, descendants, collatéraux et alliés jusqu'au deuxième degré inclusivement des personnes suivantes :

-    des apporteurs en nature,

-    des fondateurs de la société,

-    des administrateurs ou membres du directoire lors des augmentations du capital social.

3. Les personnes recevant, sous une forme quelconque un salaire ou une rémunération à raison de fonctions autres que celles de commissaire, des personnes suivantes

-  des apporteurs.

-  des fondateurs d'une autre société souscrivant dix pour cent du capital de la société, lors de sa constitution.

-  des gérants ou de la société elle-même, ou de toute entreprise détenant dix pour cent du capital de la société ou qui détiendrait le dixième du capital lors de l'augmentation de capital.

4. les personnes à qui l'exercice de la fonction d'administrateur est interdite ou qui sont déchues du droit d'exercer cette fonction.

5. les conjoints des personnes sus‑visées aux paragraphes de 1 à 4.

[16] P. MERLE, Droit commercial, Sociétés commerciales, Editions DALLOZ, § 180

[17] G. RIPERT, op. cit., p. 666

[18] En vertu des dispositions l’article 2 de la loi n° 2001-65 du 10 juillet 2001, relative aux établissements de crédit, est considérée comme établissement de crédit, toute personne morale qui exerce, à titre de profession habituelle, les opérations bancaires.

Les opérations bancaires comprennent :

- la réception des dépôts du public quelles qu'en soient la durée et la forme,

- l'octroi de crédits sous toutes leurs formes,

- l'exercice, à titre d'intermédiaire, des opérations de change,

- la mise à la disposition de la clientèle et la gestion des moyens de paiement.

L’article 12 de la loi susvisée dispose « Tout établissement de crédit soumis aux dispositions de la présente loi ayant son siège social en Tunisie ne peut être constitué que sous la forme de société anonyme, sauf les cas prévus par la loi ».

[19] Sur la notion de « principal établissement dans lequel se trouve l'administration effective de la société », le ministère a donné, dans le cadre des travaux préparatoires ayant précédé la promulgation du CSC (JORT, Débats de la Chambre des Députés, Session 2001-2000, N° 4, mardi 31 octobre, p. 71), les précisions suivantes :

يحدد مقر الشركة بالرجوع إلى عقدها التأسيسي المعين به مقرها كما يقتضيه القانون ولكن يحدث أن تكون للشركة مدة فروع وأن يكون أحد فروعها أكثر أهمية إداريا وإقتصاديا من الفرع الكائن به مقرها الإجتماعي كما يسعى المشروع أيضا إلى تفادي المقرات الصورية للشركات نظرا لما ينتج عن ذلك من صعوبات للدائنين والمتعاملين مع الشركة عموما.

[20] Aux termes de l’article 3 du Code des Droits et procédures Fiscaux, les impôts régis par le présent code doivent être établis et déclarés au lieu du siège social ou de l'établissement principal pour les sociétés et autres personnes morales.

[21] Cette règle vaut pour toutes les sociétés à l'exception de la société en participation

[22] L’article 93 du Code des Droits d’Enregistrement et de Timbres dispose « Pour les besoins de l'accomplissement de la formalité de l'enregistrement, chacune des parties doit indiquer dans l'acte ou déclaration soumis obligatoirement à l'enregistrement, son matricule fiscal et à défaut le numéro de sa carte d'identité nationale. En cas d'omission, le Receveur des Finances doit inviter les parties à compléter ces indications certifiées et signées, au pied de l'acte ou de la déclaration. »

[23] Cet alinéa n’a pas été traduit dans la version française du JORT.

[24] L’article 2 de la loi n° 2000‑93 du 3 novembre 2000, portant promulgation du Code des Sociétés Commerciales a abrogé le titre 3 du livre premier du code de commerce.